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Contraception et sclérose en plaques

Avoir une sclérose en plaques et planifier une grossesse : est-ce possible ?  C'est un sujet qu’il devient nécessaire d’aborder tôt ou tard avec la quasi-totalité des patients.

La sclérose en plaques affecte davantage les femmes que les hommes. Cette différence entre les sexes suggère un effet hormonal sur l’évolution de la maladie. Etant donné que la SEP se manifeste surtout chez les jeunes adultes, la planification familiale est un sujet qu’il devient nécessaire d’aborder tôt ou tard avec la quasi-totalité des patients.

Avec les nouveaux traitements immunomodulateurs, la contraception orale (CO) devient un problème encore plus important pour les patientes.

Certains traitements tels que le fingolimod (Gilenya) et le tériflunomide (Aubagio) ne peuvent être prescrits que si la patiente prend des mesures contraceptives adéquates – la contraception orale étant l’une d’entre elles – dans la mesure où ces traitements peuvent nuire au développement fœtal.  En cas de diarrhée sévère causée par le diméthyl fumarate (Tecfidera) ou le tériflunomide (Aubagio) (à noter que ces effets secondaires sont peu fréquents), la contraception orale peut devenir provisoirement moins efficace en raison d’une moindre résorption par l’intestin.

L'effet des oestrogènes

Une étude récemment publiée montre que l’utilisation d’une CO  fortement dosée avec l’interféron beta 1a réduit l’inflammation cérébrale en terme du nombre de lésions mises en évidence par IRM, qui est moindre que dans le cas d’une utilisation de l’interféron beta 1a seul. Cette étude confirme l’effet anti-inflammatoire des œstrogènes fortement dosés dans les modèles expérimentaux. Par contre, il existe des risques vasculaires connus pour la CO fortement dosée (par exemple la thrombose veineuse profonde). Cependant, les effets cliniques sur l’évolution de la maladie n’ont pas été étudiés en double aveugle, si bien qu’il n’est pas possible de tirer de conclusions fermes sur ce point.  Les mécanismes sous-jacents d’un éventuel effet synergique des deux traitements demeurent spéculatifs. Des études complémentaires doivent donc être réalisées  afin de déterminer si cet effet est cliniquement significatif et dure plus de 2 ans, tout en examinant  en détail les éventuels effets immunologiques.

Certaines études ont montré que l’utilisation d’une CO chez les patientes atteintes de SEP récurrente-rémittente paraît liée à une évolution plus bénigne de la maladie. Par contre, l’effet opposé a été constaté chez des patientes atteintes de SEP progressive. Cette contradiction apparente met en évidence la différence entre les mécanismes qui jouent un rôle dans les différents sous-types de SEP.

Quatre grandes études épidémiologiques ont été réalisées sur les risques de la CO et le développement de la SEP.  Trois d’entre elles étaient britanniques, la quatrième américaine : cette information est importante, dans la mesure où  les facteurs environnementaux peuvent varier d’un pays  à l’autre et peuvent également jouer un rôle.  Ces études ne suggèrent pas d’effet important de la CO sur le risque de développer une SEP. Peut-être retarde-t-elle l’apparition de la maladie, mais il est difficile de comparer les données en raison de différences dans la conception de ces études.

Les « pseudo-poussées »

Les soi-disant « pseudo-poussées » constituent un autre point important de la SEP chez les femmes. Il s’agit de symptômes de SEP résultant des  lésions existantes du système nerveux et qui peuvent devenir plus prononcés en raison de la chaleur, de la fatigue, du stress... Les pseudo-poussées peuvent avoir lieu juste avant les règles ou pendant la semaine sans pilule des patientes sous contraception orale. Les changements de température ou les niveaux d’inflammation influencés par les modifications hormonales figurent parmi les mécanismes possibles. Des études ont mis en évidence un lien entre les hormones sexuelles et l’inflammation du cerveau mesurée par IRM au cours du cycle menstruel.

Et la fertilité des patientes atteintes de SEP ?

Les techniques de procréation assistée (TPA), par exemple la fertilisation in vitro (FIV), sont un sujet qui a pris une grande importance au cours des dernières années.  La fertilité ne paraît pas davantage atteinte chez les patientes SEP que dans la population féminine normale. Par contre, plusieurs facteurs pourraient contribuer au déclin de la fertilité chez les patientes atteintes de SEP : changements hormonaux, maladie thyroïdienne auto-immune concomitante, baisse de la libido ou traitement  antérieur  au cyclophosphamide (rarement utilisé de nos jours). En revanche, dans les pays occidentaux, 10 à 20 % des couples connaissent des problèmes de fertilité, si bien qu’il pourrait ne s’agir que d’une coïncidence. Plusieurs séries de cas et d’études prospectives et rétrospectives mettent en évidence une augmentation du risque de poussée suite à l’échec d’une procréation assistée. Bien que les mécanismes ne soient pas encore tout à fait compris, ils sont probablement liés à des changements de taux d’hormones, à l’interruption des traitements immunomodulateurs ou encore au stress qui accompagne l’infertilité. Le risque de poussée semble varier suivant le type de traitement utilisé : les agonistes de la Gn-RH paraissent nuire davantage aux patientes que les antagonistes de la Gn-RH. L’augmentation du risque de poussée pourrait être liée aux effets immunologiques des agonistes de la Gn-RH et des œstrogènes : augmentation des cytokines pro-inflammatoires et des anticorps anti-MOG (anti-myéline), augmentation de la migration des cellules immunitaires à travers la barrière hémato-encéphalique. Cependant, le choix définitif du type de traitement revient au spécialiste de la procréation assistée, et il existe d’autres facteurs à prendre en compte pour le choix du traitement qui n’entrent pas dans le cadre du présent article.

Pour conclure, il existe beaucoup de problématiques tout à fait spécifiques aux femmes atteintes de SEP. Il est important de les reconnaître et d’en parler en détail si des questions sur ces sujets se présentent au cours du suivi des patientes.

Dr Barbara Willekens, UZA, Edegem