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La 4-aminopyridine (Fampridine) dans la SEP

Les études sur préparations au laboratoire de fibres nerveuses démyélinisées ont démontré la capacité de la 4-AP à améliorer ou maintenir la conduction de l’influx nerveux.

Altération de la conduction nerveuse dans la SEP

Les axones des cellules nerveuses sont entourés d’une « gaine » isolante  de myéline. Cette gaine est interrompue régulièrement, tous les 1-2 mm, par des zones appelées « nœuds de Ranvier », lieu de concentration des canaux ioniques. L’influx nerveux est propagé grâce aux déplacements d’ions (potassium et sodium) entre l’intérieur et l’extérieur de la cellule nerveuse au niveau des nœuds de Ranvier. Cette propagation « de nœud en nœud » est dite saltatoire, et permet de transmettre rapidement (50 à 70 m/s) l’influx nerveux.
La SEP, affection inflammatoire dys-immune, est caractérisée par une atteinte segmentaire et pluri-focale de cette gaine de myéline, responsable d’un ralentissement des vitesses de conduction et/ou de blocs de conduction centraux. Chez les patients atteints de SEP, lorsque la démyélinisation, lors d’une poussée, touche les faisceaux cortico-spinaux, elle résulte en une altération des capacités de marche, avec une claudication, une fatigabilité, voire une parésie des membres.

Mécanisme d’action de la 4 –aminopyridine (4-AP)

La 4-AP est un agent bloquant spécifique de certains canaux de la membrane des neurones (des canaux potassiques rapides voltage-dépendants). Bien que son mécanisme d’action précis ne soit pas encore complètement compris, les études sur préparations au laboratoire de fibres nerveuses démyélinisées ont démontré la capacité de la 4-AP à améliorer ou maintenir la conduction de l’influx nerveux. 
La molécule a ensuite été évaluée « in-vivo » en tant que traitement symptomatique de la fatigabilité à la marche dans la SEP. 
Afin de pallier les effets indésirables initialement constatés, une forme à libération prolongée (LP) de la 4-AP a été développée (Fampyra  ou Dalfampridine ), démontrant une meilleure tolérance, en assurant des concentrations plus régulières du médicament dans le plasma. 

Les essais cliniques

Les premières études évaluant la Fampridine LP ont servi à définir la tolérance et l’innocuité du traitement. Ces études de phase II ont établi que la dose efficace la mieux tolérée était de 10 mg matin et soir. A cette posologie, les effets secondaires rapportés étaient sans gravité, et consistaient en des troubles de l’équilibre, des céphalées, des paresthésies, des douleurs, des dorsalgies, de la fatigue et des insomnies. Des convulsions ont été rapportées pour les doses supérieures à 30 mg par jour. 

La molécule a ensuite fait l’objet de 2 études de phase III, afin d’évaluer son efficacité sur différents paramètres : la vitesse de marche (test chronométré de 25 pieds), des examens de la force et de la spasticité des membres inférieurs, ainsi que des auto-questionnaires sur les capacités de marche. Ces 2 études, incluant respectivement 301 et 240 patients, randomisées en double aveugle, ont démontré une amélioration de 25% de la vitesse de marche, significative contre placebo, chez 35% et 43% respectivement des patients traités par Fampridine LP. 
Un effet significatif sur tous les autres paramètres évalués était également observé dans ce groupe de patients dits « répondeurs ».
Ces effets se maintenaient durant toute la période du traitement dans les études (9 et 14 semaines), et étaient observés indépendamment de l’âge des patients, de leur degré de handicap (score EDSS) ou de la forme (rémittente ou progressive) de la maladie.

Sur la base de ces résultats, la molécule a reçu l’approbation des Agences du Médicament Américaine et Européenne en 2010 et 2011 respectivement, pour le traitement des difficultés à la marche dans la SEP. Les autorités spécifiaient que les patients devaient d’abord bénéficier d’une période d’essai du traitement, afin de déterminer s’ils étaient répondeurs. 
La Fampridine LP n’est pas encore autorisée en Belgique ; elle est néanmoins utilisée sous la forme d’une préparation magistrale de 4-AP, habituellement entre 15 et 30 mg/j, en 3 prises espacées de 4h.

Les données post-commercialisation

Depuis 2011, de nombreuses publications rapportent des données concernant l’utilisation de la Fampridine LP à grande échelle. 
Aucun nouvel effet secondaire inattendu n’a été signalé.
Parmi 46000 patients traités, 86 crises d’épilepsie ont été rapportées au total. Outre l’incidence élevée de l’épilepsie parmi les patients atteints de SEP, d’autres facteurs favorisants ont été retrouvés dans ces cas : antécédents de convulsions, d’insuffisance rénale, contexte de surdosage ou d’association à des médicaments abaissant le seuil épileptogène.
Les observations confirment l’efficacité sur les capacités de marches, et rapportent des effets positifs sur d’autres symptômes: troubles de l’articulation, de la motilité oculaire, ou de l’équilibre, tremblements.

La Fampridine constitue un outil supplémentaire dans l’arsenal thérapeutique visant à améliorer la fatigabilité à la marche des patients atteints de SEP, et ainsi à améliorer leurs capacités fonctionnelles et leur qualité de vie. Les données de tolérance confirment la sécurité de cette molécule, quand elle est utilisée avec les précautions recommandées. Des études en cours, cliniques et électrophysiologiques, devraient nous permettre de mieux en comprendre les mécanismes d’action.

 
Prof S. ElSankari, Neurologue, Cliniques Universitaires Saint-Luc.