Tout savoir sur la sclérose en plaques

Définir la sclérose en plaques
La sclérose en plaques est un dérèglement du système immunitaire qui provoque secondairement des lésions inflammatoires focales (« plaques ») dans le système nerveux central (SNC) et une dégénérescence, induite par cette inflammation, de diverses voies nerveuses avec destruction de cellules nerveuses (neurones) et de leurs prolongements (axones). Il s’agit donc d’une « collision » entre les deux systèmes biologiques les plus complexes de l’organisme humain, le système immunitaire d’une part, le SNC d’autre part.
Un dérèglement global du système immunitaire
Notre système immunitaire constitue un réseau très complexe de cellules et de protéines. Sa raison d’être est de défendre notre corps contre les agressions extérieures, en particulier, contre les infections bactériennes, virales et parasitaires (immunité anti-infectieuse). Il doit nous défendre aussi contre des cellules cancéreuses qui ne sont plus des cellules normales de notre organisme (immunité anti-tumorale). Si notre système immunitaire est perturbé pour l’une ou l’autre raison et qu’il enclenche une réaction d’auto-agression contre des organes de notre propre corps, on parle de maladies auto-immunes. Bien que la cause exacte de la SEP ne soit toujours pas connue, on considère aujourd’hui que la SEP est une maladie auto-immune du SNC, qui détruit la gaine de myéline et/ou les cellules qui la produisent (les oligodendrocytes), et dans certains cas, les fibres nerveuses à l’intérieur de cette gaine. La gaine de myéline est constituée de plusieurs enroulements en spirale d’une membrane en continuité directe avec la membrane de l’oligodendrocyte. Elle a d’une part une fonction protectrice et isolante, et d’autre part, elle assure la conduction rapide de l’influx nerveux électrique.
Le système immunitaire comprend deux sous-ensembles : un système immunitaire « inné » composé de monocytes sanguins, de macrophages et de la microglie (des macrophages spécifiques du SNC), qui n’est pas spécifique d’une cible particulière, et le système immunitaire « adaptatif » composé essentiellement de lymphocytes spécifiques d’un antigène particulier. L’être humain dispose de 490 milliards de lymphocytes dont 10 milliards circulent dans le sang, 190 milliards sont localisés dans les ganglions lymphoïdes et 290 milliards « patrouillent » dans les différents organes du corps. Dans des circonstances normales, très peu de lymphocytes sont présents dans le cerveau qui est protégé par une « barrière » (« barrière hémato-encéphalique »). Pour traverser cette barrière, il faut que le lymphocyte soit « activé », ce qui est le cas des lymphocytes présents dans les plaques, les méninges et le liquide céphalo-rachidien (LCR) des patients SEP. On ne sait toujours pas où cette activation anormale et non régulée se déclare : dans les poumons ? la muqueuse intestinale ? dans les ganglions du cou ?...Une fraction importante de ces cellules, les lymphocytes T, peut reconnaître des structures de la myéline et jouer un rôle-clé dans la naissance du processus inflammatoire qui conduit à la destruction de la myéline. Un autre groupe, les lymphocytes B, peut à la fois activer les lymphocytes T et fabriquer différents anticorps. Certains de ces anticorps peuvent attaquer des structures spécifiques de la myéline et jouer aussi un rôle dans la démyélinisation. Ces anticorps sont déterminants pour le diagnostic lorsqu’ils apparaissent sous forme de « bandes oligoclonales » dans le LCR car ces bandes sont présentes chez 95 % des patients SEP (voir Diagnostic de la SEP).
Des lymphocytes T auto-immuns qui ne reconnaissent pas leur propre myéline et la considèrent comme un corps « étranger » sont aussi présents chez toute personne ne souffrant pas de SEP. Ils n’occasionnent dans ce cas aucune lésion ni aucun symptôme, car d’autres lymphocytes, les lymphocytes T régulateurs et B régulateurs, les empêchent de s’activer et de proliférer. Dans la SEP, ce mécanisme est défaillant pour des raisons toujours inconnues et il y a donc une « rupture de tolérance ». Il est également possible que les lymphocytes T soient « trompés » par des fragments d’agents infectieux qui ressemblent fortement aux protéines de la myéline. Il en résulte une réaction immunitaire « croisée », à la fois contre l’agent infectieux initial et la gaine de myéline, par « mimétisme moléculaire ». Ceci n’est toujours qu’une hypothèse de travail. L’utilisation de lymphocytes T régulateurs est une voie de recherche dans les thérapies cellulaires. Insistons aussi sur le fait que ce dérèglement global du système immunitaire dans la SEP n’altère pas sa fonction protectrice contre les infections courantes et n’augmente pas le risque de cancer.
Une maladie inflammatoire du système nerveux central
Une fois activés, les lymphocytes B et T auto-immuns traversent la barrière hémato-encéphalique et pénètrent dans le SNC. C’est au niveau des petites veines que le flux sanguin est le plus lent et que les lymphocytes s’accrochent à leur paroi puis passent à l’intérieur du tissu nerveux. L’Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) peut parfois montrer cette veine centrale au milieu d’une plaque. Tout le SNC est concerné : les méninges, les neurones du cortex cérébral et les neurones des noyaux profonds (thalamus et noyaux gris centraux), la substance blanche qui contient la majorité des fibres nerveuses myélinisées, le cervelet, le tronc cérébral, la moelle épinière et les nerfs optiques (ceux-ci font partie intégrante du SNC). Lorsque la cellule T activée reconnaît sa cible dans le cerveau, elle libère des molécules appelées cytokines, qui augmentent la réaction inflammatoire et provoquent l’entrée d’autres lymphocytes et d’un nombre considérable de monocytes dans le cerveau. Ces monocytes se transforment en macrophages activés tout comme sont activées les cellules microgliales. Les cytokines les mieux connues sont l’interféron gamma et l’interleukine 17. D’autres cytokines stimulent des enzymes qui occasionnent la destruction de la gaine de myéline. Les mêmes phénomènes peuvent survenir avec les lymphocytes B auto-immuns. Ce processus d’escalade peut être ralenti ou bloqué par des facteurs inhibiteurs de l’inflammation. Une de ces cytokines inhibitrices est l’interféron béta, qui est un antagoniste de l’interféron gamma, et qui a été largement utilisé dans le traitement de la SEP.
L’inflammation est localisée principalement dans la substance blanche du SNC. Celle-ci est constituée des prolongements des cellules nerveuses proprement dites, les neurones, qui composent la substance grise. On estime le nombre de neurones à 100 milliards et leurs prolongements, qui peuvent être très longs et sont appelés « axones », relient les cellules nerveuses entre elles. Des signaux électriques circulent le long des axones en véhiculant les informations entre les différentes cellules nerveuses. La gaine de myéline permet une conduction très rapide, et économique en terme d’énergie, de l’influx nerveux, jusqu’à 60 mètres/seconde. L’inflammation entraine une démyélinisation et cette zone démyélinisée constitue une « plaque » aux contours relativement bien délimités. Les impulsions électriques les traversent moins rapidement, la vitesse de conduction pouvant s’effondrer jusqu’à 10 % de la normale, et c’est ainsi que certains symptômes de la maladie apparaissent et persistent. On distingue trois types de plaques : des plaques actives, contenant de nombreuses cellules inflammatoires lymphocytaires et des macrophages digérant des débris de myéline, visibles en IRM après injection de produit de contraste, provoquées par l’invasion de cellules inflammatoires d’origine sanguine; des plaques chroniques actives dont le centre est dépourvu de cellules inflammatoires mais dont le pourtour est composé de macrophages activés qui continuent à phagocyter la myéline ; elles continuent à s’agrandir progressivement de manière centrifuge et ne captent plus le produit de contraste, l’inflammation étant restreinte au SNC ; des plaques chroniques inactives sans cellules inflammatoires, purement cicatricielles, « sclérosées » suite à l’hypertrophie des astrocytes qui comblent le vide laissé par la destruction des gaines de myéline et souvent aussi, des axones.
Le cortex cérébral qui est essentiellement composé de neurones, contient cependant aussi des fibres nerveuses entourées de myéline, mais moins compactes et nombreuses que dans la substance blanche. Elles peuvent aussi être détruites dans la SEP et il existe donc des plaques « corticales ». Certaines sont directement localisées sous la méninge la plus interne appelée pie-mère. Dans ce dernier cas, on observe des foyers inflammatoires méningés à proximité, contenant de nombreux lymphocytes d’origine sanguine mais qui sont devenus « résidents » dans le SNC.
Une maladie neurodégénérative provoquée par les inflammations focales
On a très longtemps cru que la démyélinisation était le processus le plus important de la maladie et que la destruction des neurones et des axones n’était que tardive dans l’évolution de la maladie. Aujourd’hui, il est certain que les prolongements nerveux peuvent être sectionnés (« transsectés ») au niveau d’une plaque par l’inflammation aiguë. Il en résulte une dégénérescence en aval de la fibre nerveuse (dégénérescence antérograde appelée wallérienne du nom d’Auguste Waller qui l’a décrite en 1850), mais aussi une dégénérescence rétrograde, en amont, qui peut remonter jusqu’au corps de la cellule nerveuse et provoquer sa destruction. Il en résulte une perte de tissu cérébral et même dans la substance blanche « apparemment normale », où aucune plaque n’est présente, il y a une diminution de la densité axonale et une activation secondaire de la microglie.
Dans les plaques corticales comme dans la substance grise apparemment normale, on observe une réduction parfois importante du nombre de neurones. Cette perte neuronale et axonale est responsable de l’augmentation des troubles en phase progressive, et elle est la cause de séquelles neurologiques irréversibles. Elle provoque aussi une diminution excessive du volume cérébral, de 0,5 à 1 % par an, supérieure à la diminution annuelle de 0,2 à 0,4 % observée chez le sujet normal. Cette atrophie cérébrale est corrélée significativement à l’atrophie de la rétine dont l’épaisseur diminue. Cette épaisseur peut être mesurée en opthalmologie par la technique OCT (« Optical Coherence Tomography »). Il s’agit donc d’un phénomène très étendu et général. Outre une atrophie cérébrale globale, la maladie peut provoquer une atrophie focale de certaines structures cérébrales, en particulier le thalamus (important relais des faisceaux nerveux entre la moelle épinière et le cortex et « activateur » du cortex cérébral), le corps calleux (qui contient toutes les fibres nerveuses reliant les deux hémisphères droit et gauche entre eux) et la moelle épinière. L’atrophie de celle-ci est secondaire à l’atteinte des voies motrices et des voies sensitives qu’elle contient et elle est fortement corrélée au niveau de handicap des patients.
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