Tout savoir sur la sclérose en plaques

Les traitements immunomodulateurs des formes progressives
Il faut d’abord rappeler que les mécanismes de progression de la SEP sont complexes et différents de ceux des poussées aiguës. Celles-ci sont dues à une invasion du SNC par des cellules immunitaires et inflammatoires provenant de la circulation sanguine. La progression indépendante des poussées est liée à plusieurs mécanismes différents : - une réaction inflammatoire chronique à l’intérieur du cerveau non détectable par la prise de gadolinium en IRM, responsable d’une augmentation de volume des lésions pré-existantes (« plaque chronique active ou « slowly expansive lesions ») où les macrophages cérébraux (microglie) joue un rôle majeur ; - une neurodégénérescence axonale wallérienne et rétrograde parfois trans-synaptiques (d’un neurone à l’autre) ; - des infiltrats inflammatoires méningés liés à des plaques sous-jacentes dans le cortex cérébral ; - une atrophie cérébrale focale ou diffuse ; - une atrophie focale ou diffuse de la moëlle épinière. Ni les anticorps monoclonaux (Tysabri, Ocrevus, Kesimpta, Lemtrada), ni les interférons bêta, ni la Copaxone ne pénètrent à l’intérieur du SNC. Les autres molécules diffusent partiellement dans le cerveau (Aubagio, Tecfidera, Gilenya, Zeposia, Ponvory, Mayzent) mais il est difficile de mesurer leur éventuelle action bénéfique locale en supplément de leur action globale sur le système immunitaire.
Pour les formes secondaires progressives de la maladie, nous avons maintenant des études sur le long terme (au moins 15 ans) montrant qu’un traitement de première ligne des formes rémittentes repousse significativement l’entrée dans la phase secondaire progressive et peut même éviter celle-ci. Nous savons aussi que le nombre total de lésions détectées en IRM après 5 ans d’évolution de la maladie est un bon facteur prédictif de survenue d’une phase progressive secondaire. Si la charge lésionnelle devient importante et sévère durant les 5 premières années de la maladie, le risque d’une forme progressive est beaucoup plus grand que si la charge lésionnelle reste faible ou moyenne. Or c’est le but des traitements de première ligne d’empêcher l’accumulation des lésions et de limiter cette charge lésionnelle totale. D’autres études ont montré qu’il n’y a pas intérêt à arrêter les traitements de première ligne chez les personnes qui entrent en phase secondaire progressive car elles évolueront moins vite et resteront mieux à l’abri de nouvelles poussées surajoutées. Selon les critères de l’INAMI, le Bétaféron et le Rebif peuvent être prescrits et remboursés dans les formes secondaires progressives.
Le Tysabri a été étudié dans les formes secondaires progressives et ne s’est pas révélé efficace en fonction de l’objectif prédéterminé à savoir la proportion de patients avec aggravation de l’échelle EDSS en 6 mois. Le seul résultat positif de cette étude a été le maintien d’une meilleure dextérité des mains. Par contre, une étude avec un analogue du Gilenya appelé Mayzent s’est révélée positive en ralentissant la progression du handicap de 25 % environ.
Dans les formes primaires progressives, le Gilenya a été testé lors d’une étude de Phase 3 avec comme objectif primaire de diminuer la proportion de patients en aggravation sur un intervalle de 3 mois. Cette étude a échoué car il n’y avait pas de différence entre les personnes recevant le médicament et celles recevant le placebo. Par contre, Ocrévus a montré une efficacité relative en ralentissant de 24 % la vitesse de progression du handicap sur 3 mois. Ces résultats sont significatifs mais restent modestes. Ils sont meilleurs chez des personnes relativement jeunes, ayant moins de 55 ans, et ayant des signes d’une maladie progressive active.
Les inhibiteurs de la Tyrosine Kinase de Bruton (BTK) ont suscité récemment beaucoup d’espoir. Il s’agit d’une enzyme découverte en 1993 par Bruton, localisée à l’intérieur des lymphocytes B mais aussi présente dans les macrophages et la microglie cérébrale, qui estessentielle pour la maturation de ces cellules. Les inhibiteurs de cette enzyme bloquent l’activation des lymphocytes B sans les détruire, et ils peuvent traverser la barrière hémato-encéphalique pour bloquer les lymphocytes B qui ont déjà migré dans le SNC. Ils peuvent aussi bloquer les macrophages et la microglie au niveau des plaques de démyélinisation actives et chroniques actives. Trois de ces inhibiteurs ont déjà été testés dans des études de phase 2 dans la SEP : l’évobrutinib, le tolebrutinib et le fenebrutinib. Vu les résultats encourageants observés dans ces études, de nombreuses études de phase 3 ont été mises en route. Hélas, celles concernant l’évobrutinib dans les formes rémittentes ne se sont pas révélées supérieures à Aubagio utilisé comme comparateur. Ce résultat décevant ne doit pas empêcher la poursuite des études toujours en cours concernant le tolebrutinib et le fenebrutinib dans les formes secondaires et primaires progressives de SEP, mais il est clairement plus difficile d’empêcher la progression de la maladie que d’empêcher les poussées.
Le vidofludimus calcium se présente comme un super-Aubagio en inhibant de manière beaucoup plus spécifique la même enzyme (la dihydro-orotate dehydrogenase…) sans en avoir les effets secondaires. Il se prend par voie orale et il diminue très significativement l’apparition de nouvelles lésions en IRM. Deux études de phase 3 sont actuellement en cours.
Les anticorps anti-CD40L sont actuellement testés dans la SEP. La molécule CD40 est exprimée à la surface des lymphocytes B mais aussi au niveau d’autres cellules myéloïdes et cérébrales, et elle est activée par sa liaison avec la molécule CD40-ligand appelée CD40L ou CD154, située à la surface du lymphocyte T. Pour qu’un lymphocyte B puisse activer un lymphocyte T pro-inflammatoire, il faut d’une part la présentation par le lymphocyte B, d’un antigène (toujours inconnu dans la SEP) au récepteur spécifique du lymphocyte T mais aussi une liaison entre la molécule CD40 et CD40L. L’idée est donc de fabriquer un anticorps dirigé contre CD40L pour empêcher cette 2e liaison SANS DETRUIRE le lymphocyte. Il s’agit du Frexalimab dont l’efficacité par voie intra-veineuse lors d’une étude de phase 2 est remarquable, avec 96 % de patients sans nouvelles plaques actives prenant le gadolinium. Deux études de phase 3 sont en cours, FREXALT pour la forme rémittente, FREVIVA pour les formes progressives.
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