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Les co-morbidités dans la SEP

En principe, la SEP ne prédispose pas directement à d’autres maladies. Comme les facteurs génétiques de susceptibilité sont communs à d’autres maladies auto-immunes, telles que la polyarthrite rhumatoïde, le lupus érythémateux, le psoriasis, le diabète juvénile, la maladie de Crohn, certains patients souffrent à la fois d’une SEP et d’une ou l’autre de ces maladies. Il ne s’agit pas alors d’association fortuite. De même, la fréquence d’une thyroïdite auto-immune est plus élevée chez des patients présentant une SEP. Il y a 10 fois plus fréquemment d’uvéite, c’est-à-dire une atteinte inflammatoire des yeux, chez les personnes SEP que dans la population générale. Dans ces cas, la maladie auto-immune associée évolue indépendamment de la SEP, avec ses propres poussées et ses rémissions, et doit être traitée spécifiquement et indépendamment de la SEP. Ces maladies auto-immunes se retrouvent aussi plus fréquemment dans la famille des personnes atteintes de SEP.

Par ailleurs, la perte de mobilité et le manque d’exercice physique peuvent provoquer une prise de poids excédentaire et des troubles métaboliques avec perturbation des lipides sanguins, diabète, athérosclérose, et maladies cardio-vasculaires. Celles-ci peuvent altérer la circulation sanguine cérébrale, tant au niveau des grosses artères que des petits vaisseaux, provoquer des thromboses cérébrales et accentuer l’atrophie cérébrale. Il faut aider le patient à combattre une sédentarité excessive, qui entraîne une atrophie musculaire de sous-utilisation (appelée sarcopènie). Les exercices physiques et une kinésithérapie ciblée font partie intégrante du traitement d’une SEP progressive.

Les infections ne sont pas plus fréquentes chez les personnes atteintes de SEP et c’est même souvent le contraire qui est observé. Il y a moins d’infections virales des voies respiratoires supérieures par exemple.  Les infections peuvent être secondaires aux problèmes urinaires avec cystite et pyélonéphrite, à des troubles de déglutition avec pneumonie d’inhalation ou à des escarres infectés. Elles peuvent être aussi favorisées par certaines médications utilisées dans la SEP .

On n’a pas observé d’augmentation du nombre de cancers chez les patients SEP.

Par contre, des troubles psychologiques et parfois psychiatriques sont plus fréquemment rencontrés dans la SEP que dans la population générale.

D’après la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Toujours d’après l’OMS, « la santé mentale est un état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive, et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté ».

Vu la difficulté de trouver des critères objectifs de santé mentale, la Société américaine de Psychiatrie a recensé environ 400 types de troubles mentaux différents... Il nous faut donc définir ceux rencontrés le plus fréquemment dans la SEP.

La détresse psychologique réactionnelle peut être en réaction à un deuil, un échec scolaire ou professionnel ou sentimental, ou la prise de conscience d’une perte de la santé physique. Il s’agit d’une réaction adaptative normale. Elle peut bien évidemment accompagner l’annonce du diagnostic de SEP. Elle ne doit pas faire nécessairement l’objet d’un traitement spécifique. La personne elle-même peut surmonter ce deuil provoqué par l’annonce d’une maladie chronique, grâce à sa propre résistance psychologique, à son entourage, aux explications données concernant la maladie, en sachant qu’elle ne sera pas seule à la combattre.

La détresse psychologique réactionnelle peut conduire à une dépression chronique. Dans toutes les publications sur le sujet, la dépression est la première cause d’une altération de la santé mentale chez les personnes SEP. Elle est rapportée chez 46 % des patients dans une étude de 2009, chez environ 50 % des patients dans une étude de 2011, et chez 24 % dans une étude de 2015. Les symptômes n’en sont pas spécifiques dans le cadre d’une SEP. Il s’agira d’un mauvais moral, d’une incapacité à jouir de la vie comme avant, d’une fatigue, d’insomnies, d’un appétit altéré. L’élan vital est cassé, il y a une propension à reporter des activités nécessaires au lendemain ou à plus tard (procrastination), des idées noires, des envies de pleurer, des larmes. Les symptômes sont toujours plus marqués le matin, devant la page blanche de la journée, qu’en fin de journée.

Ce pourcentage de symptômes dépressifs est environ 3 fois plus élevé que dans la population générale. Le taux de suicide « réussi » est aussi approximativement 2 fois plus élevé et il est le fait surtout de patients masculins jeunes, durant les 5 premières années du diagnostic, indépendamment du handicap physique.

 La prise en charge de la dépression peut être multiple, soit médicamenteuse par des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, soit par la parole (psychothérapie)  avec un(e) psychiatre ou un(e) psychologue clinicien(ne), soit par des techniques de mindfulness (pleine conscience), ces moyens thérapeutiques n’étant pas exclusifs l’un de l’autre. Il a été aussi rapporté en 2021 une amélioration des symptômes dépressifs lors de l’arrêt de la prise de cannabis.

L’anxiété excessive ou pathologique est le 2e grand symptôme d’altération de la santé mentale dans les études consacrées à la SEP, jusqu’à 16,5 % des personnes dans une étude de 2009, 22 % dans une étude de 2015. Certes, il existe une anxiété « normale », celle de toute jeune mère pour son enfant par exemple, celle plus récente de l’éco-anxiété qu’il faut interpréter comme un sentiment positif car elle témoigne de l’amour du monde et suppose un détachement de soi-même : les gens souffrent pour les autres, pour le monde (Corinne Pelluchon, philosophe). En pratique, l’anxiété est surtout liée à celle de faire une nouvelle poussée qui laissera des séquelles et qui surviendra de manière imprévisible mais toujours au plus mauvais moment... L’autre anxiété fréquente est celle de perdre l’autonomie de la marche et d’être ainsi confiné(e) au fauteuil roulant. Il s’agit d’une anxiété bien compréhensible mais qui ne doit pas condamner  à l’inactivité et à la passivité. Il est nécessaire de rappeler que nos médications les plus efficaces à l’heure actuelle permettent de diminuer la fréquence des poussées à une seule tous les 10 ans en moyenne, et que la proportion de personnes SEP nécessitant une aide à la marche à l’âge de 50 ans ou plus, est passée de 27 % lorsque le diagnostic de la maladie a été posé avant l’an 2000, à 15 % lorsqu’il a été posé après l’an 2000. On peut être certain que ce pourcentage sera encore plus faible pour les personnes diagnostiquées après 2010.

Évidemment, toute personne qui reçoit un diagnostic de SEP a son propre passé, sa propre enfance et adolescence, ses propres peurs et inquiétudes préalables : personne n’est « vierge » de toute faiblesse psychologique. L’annonce du diagnostic peut alors exacerber des tendances hypocondriaques, provoquer une « bobologie » multiforme, et parfois favoriser la somatisation de troubles affectifs ou sentimentaux au niveau des séquelles laissées par une poussée précédente. Ces séquelles pourraient brutalement s’aggraver alors qu’il n’y a pas de réelle poussée sous-jacente. Il s’agira d’expliquer, de déconstruire des films imaginaires, d’ouvrir des portes de sortie, tout en respectant les mécanismes de défense psychologique de chaque patient(e).

Les troubles bipolaires (anciennement appelés psychose maniaco-dépressive) sont en moyenne 2 fois plus fréquents chez les personnes atteintes de SEP que dans la population générale. Chez les patients SEP, la fréquence est évaluée à 2,4 % dans une étude de 2009, de 5,8 % dans une étude de 2015, 6,5 % dans une étude de 2017 qui compare ce pourcentage à celui de 3,4 % dans la population générale. Le trouble bipolaire peut être présent avant le diagnostic de SEP. Il n’y a pas à l’heure actuelle d’explication à cette association relative entre SEP et troubles bipolaires. Il existe dans les deux cas des formes familiales avec des gènes de susceptibilité, mais ceux-ci ne sont pas les mêmes dans les deux maladies. Lorsque le trouble bipolaire préexistait à la SEP, le diagnostic de cette dernière est plus difficile à établir et est donc retardé, ce qui a comme conséquence un traitement lui aussi retardé. Dans les formes les plus graves avec agitation extrême, il peut y avoir des idées délirantes de type paranoïaque, affirmation d’être volé(e), trompé(e), enfermé(e), empoisonné(e)... Ces épisodes maniaques doivent faire l’objet d’un traitement spécifique par un(e) psychiatre. Le traitement sera chronique afin d’éviter l’alternance entre agitation maniaque et dépression mélancolique.

Il faut aussi ajouter que rarement, les traitements par cortisone à fortes doses pour des poussées sévères peuvent induire un état maniaque avec hyperagitation, la cortisone étant dans ce cas non seulement un anti-inflammatoire mais un dopant psychique artificiel.

Les perturbations de l’état mental telles que décrites ci-dessus interfèrent malheureusement avec la régularité et l’adhérence au traitement de la SEP. Elles doivent être traitées sans retard comme toute autre co-morbidité.

L’espérance de vie a été analysée dans une étude norvégienne sur une population suivie pendant 60 ans. L’espérance de vie médiane (soit 50% au-dessus et 50% en-dessous du chiffre retenu) était de 74,7 ans pour les personnes SEP et 81,8 ans dans la population générale, soit 7 ans de différence. Elle est moindre chez les personnes SEP avec forme primaire progressive (71,4 ans) que dans les formes avec poussées initiales (77,8 ans). Les principales causes de décès liés à la SEP sont les pneumonies sur fausses déglutitions et les infections urinaires avec atteintes rénales et septicémie.

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