Tout savoir sur la sclérose en plaques

Les traitements immunomodulateurs des formes rémittentes
À l’exception des traitements symptomatiques dirigés contre des symptômes spécifiques de la maladie, et des traitements paramédicaux tels que kinésithérapie, logopédie, ergothérapie, tous les traitements utilisés actuellement dans la SEP ont une action directe sur le système immunitaire en vue de le désactiver partiellement, de normaliser son fonctionnement si possible, et d’empêcher les lymphocytes auto-réactifs agressifs de pénétrer dans le SNC. Cela est vrai aussi bien pour les dérivés de cortisone utilisés en cas de poussées, que pour les traitements au long cours appelés immunomodulateurs.
En cas de poussée avec impact significatif sur les activités de la vie quotidienne, le traitement de choix repose sur un dérivé synthétique de cortisone généralement donné à haute dose par voie intraveineuse, soit 1 g de méthylprednisolone par jour durant 3 à 5 jours, parfois 7 et jusqu’à 10 jours en cas de poussées très sévères. Certains auteurs utilisent le même produit aux mêmes doses mais par voie orale avec des résultats globalement similaires à ceux obtenus par voie intraveineuse. La cortisone provoque la mort des lymphocytes activés et diminue la synthèse d’une enzyme permettant à ces lymphocytes de traverser la barrière hémato-encéphalique et de pénétrer dans le SNC. Le traitement à forte dose mais bref permet d’éviter les effets secondaires que l’on rencontre le plus souvent en cas de traitement prolongé par voie orale. Il doit cependant être réalisé sous surveillance médicale car il peut provoquer des troubles ioniques sanguins, des troubles de la tension artérielle, des palpitations cardiaques, de la nervosité, des insomnies et après l’arrêt du traitement, des douleurs tendineuses ou musculaires et une fatigue importante. Alors que les plaques actives prennent le produit de contraste de l’IRM en moyenne durant 6 à 8 semaines, un traitement par méthylprednisolone permet d’inhiber cette prise de contraste en une dizaine de jours. À noter que ce produit ne traverse pas la barrière placentaire et peut donc être utilisé en cas de poussées survenant durant la grossesse. La cortisone n’a pas d’action préventive sur la survenue des poussées ultérieures.
Les traitements immunomodulateurs au long cours sont utilisés dans les formes avec poussées et rémission et dans les formes secondaires progressives actives. Ces traitements peuvent être divisés en 4 catégories suivant leurs modes d’action :
1° les médicaments modulant le fonctionnement du système immunitaire dans le sens d’une meilleure régulation : les interférons bêta (Bêtaféron, Rebif, Avonex, Plegridy) ; l’acétate de glatiramère (Copaxone) ; le diméthylfumarate (Tecfidera).
2° les médicaments inhibant de manière ciblée la multiplication et la prolifération des lymphocytes activés : le tériflunomide (Aubagio) ; la cladribine (Mavenclad)
3° les médicaments interférant avec la circulation des lymphocytes : le natalizumab (Tysabri) ; le fingolimod (Gilenya) ; l’ozanimod (Zéposia) ; le siponimod (Mayzent) ; le ponesimod (Ponvory).
4° les médicaments détruisant une population particulière de lymphocytes : l’alemtuzumab (Lemtrada), l’ocrélizumab (Ocrévus), l’ofatumumab (Kesimpta).
Ces médications sont aussi divisées en médicaments de première ligne (tous ceux du 1er groupe ainsi qu’Aubagio, Zeposia et Ponvory) et en médicaments de deuxième ligne (Tysabri, Gilenya et Mayzent dans le groupe 3, les médicaments du groupe 4 et le Mavenclad). Les médicaments de 2e ligne ne sont disponibles qu’en pharmacie d’hôpital et ne sont utilisés qu’en cas d’échec des médicaments de première ligne OU dès le début de la maladie et de son diagnostic, en cas de formes d’emblée très actives et agressives avec poussées rapprochées et au moins une lésion active en IRM. Cette distinction entre première et seconde ligne est contestée et on préfère actuellement parler de médications d’efficacité moyenne ou de haute efficacité.
À l’heure actuelle, nous ne pouvons pas prévoir si un patient individuel sera un bon ou un mauvais répondeur à n’importe lequel de ces traitements, et nous ne pouvons pas non plus prévoir s’ il développera ou non, des effets secondaires importants. Tous ces traitements exigent donc une surveillance continue tant sur le plan de l’efficacité que sur le plan des effets secondaires potentiels. Ceux-ci seront discutés dans le chapitre suivant.
Les interférons bêta sont des substances naturelles que nous produisons tous et qui ont des propriétés anti-virales car ils « interfèrent » avec la réplication virale. Les interférons bêta sont des antagonistes de l’interféron gamma et ont été étudiés dans la SEP parce qu’un essai clinique avec l’interféron gamma a résulté en une augmentation du nombre de poussées et non en une diminution de celles-ci ! Le Bêtaféron a été commercialisé en Belgique en 1996 et le Rebif en 1998. Ces produits n’ont pas provoqué d’effets secondaires indésirables à long terme. Le Plegridy est un interféron retard à longue durée d’action qui ne nécessite qu’une seule injection sous-cutanée tous les 14 jours. Les interférons ont une action extrêmement polymorphe sur le système immunitaire car ils interagissent avec pas moins de 3000 gènes soit en augmentant leur expression soit en les inhibant.
La Copaxone est la seule médication qui a été spécifiquement synthétisée et appliquée au traitement de la SEP. Il s’agit d’un petit polymère composé de différents acides aminés synthétisés initialement pour provoquer l’encéphalite auto-immune chez la souris. Les résultats observés ont été à l’opposé de ce qui était attendu, car ce polymère protégeait la souris de l’encéphalite ! À partir de cette constatation, la molécule a été synthétisée et testée en clinique par voie sous-cutanée (la voie orale est inefficace). Elle joue un rôle de fausse cible pour les lymphocytes activés et dévie la réaction immunitaire pro-inflammatoire vers une réaction anti-inflammatoire. Les lymphocytes activés contre la Copaxone ont en effet des propriétés immunorégulatrices qui diminuent la réaction inflammatoire à l’intérieur même du SNC. Ce produit est utilisé depuis 1995 et s’est révélé dépourvu d’effets secondaires à long terme.
Aubagio est un médicament inhibant spécifiquement la prolifération des lymphocytes activés. C’est un dérivé d’un produit utilisé en rhumatologie. Il peut s’accumuler dans l’organisme mais peut être éliminé dans les selles en une dizaine de jours par l’utilisation d’un antidote spécifique. Il se prend à la dose d’un comprimé/jour.
Tecfidera est dérivé d’un produit utilisé pendant de nombreuses années contre le psoriasis en Allemagne. Ce médicament se prend à la dose de 2 comprimés/jour. Il stimule des enzymes antioxydantes qui limitent l’inflammation cérébrale mais tous ses mécanismes d’action ne sont pas encore connus.
Tysabri est un anticorps monoclonal qui est donné en perfusion intra-veineuse ou en injection sous-cutanée toutes les 4 à 6 semaines, et qui bloque une protéine à la surface des lymphocytes activés, ce qui les empêche de traverser la barrière hémato-encéphalique et de passer du sang vers le cerveau ou vers la moelle épinière. Cette médication est rapidement très efficace, mais elle empêche la surveillance immunitaire normale du cerveau, ce qui augmente le risque d’une éventuelle encéphalite virale appelée leuco-encéphalite multifocale progressive (LEMP) (voir le chapitre suivant).
Gilenya est un médicament par voie orale à la dose d’un comprimé/jour, qui bloque certaines populations de lymphocytes, dont les lymphocytes activés, dans les ganglions lymphoïdes et les empêche de circuler dans le sang et donc de passer éventuellement à travers la barrière hémato-encéphalique vers le SNC. Il a d’abord été testé contre le rejet des greffes. Ce médicament permet cependant la circulation normale des « lymphocytes mémoire » qui protègent l’organisme contre une ré-infection par des agents infectieux rencontrés précédemment. Ont été ensuite testés avec succès et commercialisés, dans cette même famille de molécules, le Zeposia, le Ponvory et le Mayzent. Ce dernier n’est indiqué que dans les formes secondaires progressives avec rechutes.
Lemtrada est un anticorps monoclonal qui provoque la destruction de nombreux lymphocytes durant les 5 jours d’infusion intra-veineuse lors de la première semaine du traitement. Celui-ci est complété un an plus tard par une infusion de 3 nouvelles doses. Ce traitement a été aussi utilisé dans les leucémies. Le système immunitaire est dès lors fortement modifié par la destruction de ces lymphocytes, mais se reconstitue ensuite progressivement au cours des mois et des 2 à 3 ans qui suivent. Ce traitement peut amener 50 % des patients à une rémission de plusieurs années sans autre médication supplémentaire.
Ocrévus est un anticorps monoclonal dirigé contre une protéine particulière appelée CD20 présente sur la membrane des lymphocytes B. Il détruit donc les lymphocytes B qui représentent 10 % environ des lymphocytes totaux. Il laisse intacts les lymphocytes B matures (plasmocytes) qui synthétisent les anticorps, car ils sont dépourvus de cette molécule CD20. Son efficacité contre les poussées est remarquable. Il est administré par voie intraveineuse tous les 6 mois mais des études sont actuellement réalisées pour tester l’efficacité de la voie sous-cutanée, et déterminer si on peut espacer les infusions à plus de 6 mois, en fonction de la ré-apparition des lymphocytes B dans le sang.
Kesimpta est aussi un anticorps monoclonal anti-CD20 dirigé contre les lymphocytes B, d’une efficacité comparable à Ocrevus. Il est administré par voie sous-cutanée à raison d’une injection toutes les 4 semaines.
Mavenclad est un médicament pris par voie orale durant les 5 premiers jours du traitement puis durant 5 jours le mois suivant, puis un an plus tard, lors d’une 2e cure de 2 x 5 jours. Il agit de manière prolongée contre la prolifération des lymphocytes activés et est donc susceptible d’induire une rémission à long terme. Ce produit a d’abord été utilisé dans le traitement des leucémies par voie intra-veineuse. Les études ont montré une efficacité remarquable mais les récidives à long terme sont possibles.
A noter que le Lemtrada et le Mavenclad, et eux seuls, sont supposés être des traitements de « reconstitution immunitaire ». Après leur administration sur deux ans, on espère que le « nouveau » système immunitaire qui se reconstitue, n’a plus de composante auto-immune et que la maladie peut être mise en rémission pour une longue durée. Dès lors, on adopte une attitude « Wait and see » et on ne reprendra un traitement qu’en cas de nouvelle évolutivité (clinique ou radiologique) de la maladie.
Interférons bêta
- Mode d’administration : Injections sous-cutanées ou intra-musculaires
- Posologie : Fréquence variable selon la molécule
Copaxone®
- Mode d’administration : Injections sous-cutanées
- Posologie : Fréquence variable selon le dosage
- Générique : Glatiramyl Viatris
Aubagio®
- Mode d’administration : Voie orale
- Posologie : 1 comprimé par jour
- Générique : Tériflunomide Viatris
Tecfidera®
- Mode d’administration : Voie orale
- Posologie : 2 comprimés par jour
Tysabri®
- Mode d’administration : Infusions intra-veineuses (ou injections sous-cutanées)
- Posologie : 1 fois toutes les 4 à 6 semaines
Gilenya®
- Mode d’administration : Voie orale
- Posologie : 1 comprimé par jour
- Générique : Fingolimod Viatris
Zéposia
- Mode d’administration : Voie orale
- Posologie : 1 comprimé par jour
Ponvory
- Mode d’administration : Voie orale
- Posologie : 1 comprimé par jour
Mayzent
- Mode d’administration : Voie orale
- Posologie : 1 comprimé par jour
Lemtrada®
- Mode d’administration : Infusions intra-veineuses
- Posologie : 5 jours (5 doses) au début du traitement, puis 3 jours (3 doses) un an plus tard
Ocrévus™
- Mode d’administration : Infusions intra-veineuses
- Posologie : Deux demi-doses à 15 jours d’intervalle, puis une dose complète tous les 6 mois
Kesimpta
- Mode d’administration : Injections sous-cutanées
- Posologie : 1 fois toutes les 4 semaines
Mavenclad®
- Mode d’administration : Voie orale
- Posologie : 2 fois 5 jours au début du traitement (à 1 mois d’intervalle), puis 2 fois 5 jours un an plus tard
Le statut « NEDA », acronyme anglais signifiant « Non Evidence of Disease Activity », ou absence d’évidence de maladie active, est devenu l’objectif à atteindre dans le traitement de la SEP rémittente. Le NEDA est défini par plusieurs composantes cliniques et radiologiques :
La première composante (« NEDA 1 ») est l’absence de toute poussée de la maladie sur l’intervalle de temps considéré.
NEDA 2 est l’absence de progression de la maladie telle que définie par l’échelle EDSS et des tests complémentaires, et ce, sur une période minimale de 6 mois.
NEDA 3 est l’absence de nouvelles lésions en résonance magnétique, l’absence d’une augmentation du volume d’une ancienne lésion de plus de 10 %, et l’absence de lésions inflammatoires actives prenant le produit de contraste.
NEDA 4 est utilisé dans les études cliniques et n’est pas encore disponible dans la pratique quotidienne. Il s’agit de la mesure du volume cérébral qui diminue en moyenne de 0,2 % par an chez les sujets normaux, mais qui dans la SEP peut diminuer de plus de 0,4 % par an. NEDA 4 est obtenu si l’atrophie cérébrale annuelle est inférieure à ce chiffre de 0,4 %.
Il faut noter que ces 4 composantes ne sont pas indépendantes l’une de l’autre. Une poussée de la maladie sera souvent accompagnée d’une nouvelle lésion prenant le produit de contraste, l’aggravation de l’échelle EDSS est corrélée avec une diminution excessive du volume cérébral.
Avoir un « statut NEDA » signifie que nos méthodes actuelles de détecter l’activité de la maladie sont négatives, et que celle-ci peut être considérée comme inactive et stabilisée. C’est bien sûr le but de nos traitements : obtenir une rémission de longue durée et de bonne qualité, mais pas encore de réparer les lésions existantes.
Certaines personnes souffrant de SEP peuvent avoir spontanément, sans traitement, un statut NEDA. C’est ce que l’on observe dans les études avec groupes placebo. En effet, 10 à 15 % des personnes ne recevant aucun traitement actif, mais seulement un placebo, ne présentent pas de signes de maladie active et évolutive et sont spontanément en NEDA. Par contre, un très bon répondeur à son traitement entrera dans un statut NEDA grâce à celui-ci. Le paradoxe du statut NEDA est donc qu’il peut être observé aussi bien chez des personnes avec une forme inactive de la maladie ne nécessitant aucun traitement que chez des personnes répondant de manière excellente à leur traitement.
Le concept NEDA est un concept évolutif. On peut perdre ce statut NEDA après quelques années parce que la maladie redevient plus active ou parce que le traitement en cours n’est plus suffisant. Il permet donc soit d’instaurer un traitement soit de changer de traitement sur des bases plus objectives.
La définition du statut NEDA est cependant encore trop exigeante par rapport à la plupart de nos traitements actuels. Il s’agit dès lors de définir le seuil de tolérance minimale que l’on peut accepter dans l’activité de la maladie. C’est ainsi que l’apparition en IRM de 2 petites lésions millimétriques en un an, sans poussée et sans aggravation du handicap, ne signifie pas un échec du traitement en cours et ne justifie pas toujours un changement de traitement. On parlera alors d’un statut « MEDA » (Minimal Evidence of Disease Activity). Mais si les signes d’activité de la maladie sont plus importants, il y aura lieu de passer d’un traitement de moyenne efficacité à un traitement de haute efficacité, ou de changer de traitement de haute efficacité si on bénéficie déjà d’un traitement de ce type.
Est-il possible d’arrêter complètement un traitement en cours et de rester sans traitement ? Il n’y a pas de réponse définitive à cette question. La plupart des experts estiment qu’après 65 ans, le risque de poussées devient minime. Par ailleurs, si le handicap limite la marche à seulement quelques pas avec un double appui (EDSS côté à 7), nos traitements actuels ne sont plus utiles et les risques sont supérieurs aux bénéfices potentiels. Si on a pu maintenir un statut NEDA pendant 5 ans au moins, on peut aussi tenter d’arrêter tout traitement, mais sous surveillance rapprochée, par exemple, par une IRM six mois plus tard. L’arrêt d’un traitement par Tysabri ou par Gilenya est plus risqué car il s’accompagne régulièrement d’ une reprise de l’activité de la maladie.
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