Trois à 5 % des patients souffrant de sclérose en plaques (SEP) ont débuté leur maladie avant l’âge de 18 ans.
Parmi ces jeunes patients, 17 % ont présenté leur première poussée avant 10 ans et 83 % entre 10 et 18 ans. Les deux plus jeunes patients de l’auteur de ces lignes avaient respectivement 6 et 9 ans au début de leur maladie.
Faire le bon diagnostic
Cette première poussée est très difficile à diagnostiquer comme début de SEP. Nos confrères neuropédiatres ont dû apprendre à envisager cette possibilité dans leur diagnostic différentiel, et à la distinguer d’un épisode unique appelé « encéphalomyélite périveineuse post-infectieuse ». Cette dernière maladie est due à une inflammation du cerveau survenant dans les suites d’une infection virale, surtout la rougeole avant l’époque de la vaccination généralisée, parfois la varicelle, ou d’autres virus qui peuvent rester non identifiés. La symptomatologie de l’encéphalomyélite est souvent plus aiguë, brutale, avec parfois des altérations de la conscience, crises d’épilepsie, mais il n’y a pas de critères cliniques formels pour la distinguer d’un début de SEP. Par contre, la présence de bandes oligoclonales IgG dans le liquide céphalo-rachidien est un argument en faveur d’une sclérose en plaques.
Il faudra donc souvent attendre la survenue d’une 2e poussée pour établir fermement le diagnostic de sclérose en plaques chez l’enfant ou l’adolescent. Cette 2e poussée survient en moyenne 6 ans après la première chez les enfants de moins de 10 ans, un an après la première chez les enfants de plus de 10 ans.
La fréquence des poussées est généralement plus élevée dans les formes débutant avant 18 ans que dans les formes adultes.
Ces poussées sont plus inflammatoires avec un plus grand nombre de lésions visibles en résonance magnétique cérébrale (IRM). La maladie peut évoluer ensuite vers une forme secondaire progressive, en moyenne 23 ans après le début, plus lentement que dans les formes adultes (qui progressent en moyenne après 12 à 15 ans de maladie). Globalement cependant, les patients ayant débuté leur maladie avant 18 ans seront handicapés à un âge plus jeune que les patients commençant leur maladie entre 25 et 35 ans comme c’est le plus souvent le cas.
Plus de troubles cognitifs chez les enfants
La symptomatologie des formes juvéniles ne diffère pas fortement des formes adultes, à l’exception d’une plus grande fréquence de troubles cognitifs dès le début de la maladie, soit chez 30 % de ces enfants. Ceux-ci interfèrent fortement avec leur scolarité qui peut être aussi interrompue par la répétition des poussées.
Les traitements de première ligne utilisés habituellement chez l’adulte sont aussi efficaces dans les formes juvéniles, tels que les interférons bêta et la Copaxone. Ces produits réduisent significativement la fréquence des poussées, mais sont en échec chez 50 % des patients après quelques années. Les traitements de 2e ligne ont été bien moins étudiés dans les formes juvéniles, mais une série italienne de 20 jeunes patients montre la grande efficacité et la bonne tolérance au Natalizumab (Tysabri).
La recherche doit encore progresser
L’étude des formes juvéniles a été considérablement accentuée ces dernières années dans l’espoir de découvrir les facteurs déclenchants de la maladie, au plus près de son début. On a pu ainsi constater que les jeunes patients avec sclérose en plaques étaient plus souvent séropositifs pour le virus de la mononucléose infectieuse (plus de 85 %) en comparaison des enfants indemnes (40 – 60 %). Le taux de vitamine D est aussi abaissé chez ces enfants et augmenter la concentration sérique de vitamine D entraîne une diminution de la fréquence des poussées d’un tiers par paliers de 10 ng/ml. Par ailleurs, les plus récentes études ne montrent aucune association entre le début d’une sclérose en plaques chez l’enfant et les vaccinations, y compris celle contre l’hépatite B.
Jusqu’à présent, la recherche d’une perturbation du système immunitaire spécifique à un début de sclérose en plaques chez l’enfant ou l’adolescent a été relativement décevante. La présence d’auto-anticorps contre une protéine appelée Myelin-Oligodendrocyte-Glycoprotéine (MOG) n’a pas été confirmée et serait même un marqueur d’absence d’association avec la sclérose en plaques. Ces résultats actuellement décevants ne doivent pas empêcher la poursuite d’une recherche approfondie des mécanismes de la sclérose en plaques infantile ou juvénile.
Bien expliquer l’enjeu du traitement
Étant donné l’atteinte cognitive fréquente et l’évolution vers une forme progressive secondaire des formes juvéniles, il est important de les diagnostiquer précocement et de les traiter avec vigueur en sachant qu’il peut y avoir des barrières psychologiques chez l’adolescent à de tels traitements chroniques. Cependant, l’enjeu est très important puisqu’il s’agit de bloquer l’augmentation progressive des lésions cérébrales et en conséquence de bloquer l’atrophie du cerveau.
Professeur Christian SINDIC, Président