La recherche fondamentale trouve son moteur et son énergie dans la volonté de savoir, connaître, décortiquer les mécanismes du monde physique et du monde vivant, pour accroître les connaissances de l’humanité et mieux répondre à ces interrogations philosophiques : d’où venons-nous, qui sommes-nous, vers où allons-nous ?
Le Prof. Dr C. Sindic explique :
Cette recherche s’applique par exemple au fonctionnement du cerveau normal, des cellules qui le composent, des connexions et des communications entre ces cellules. Elle s’applique aussi de la même manière au système immunitaire, à ses différents composants, aux milliards de cellules réparties en différentes populations, qui communiquent entre elles, interagissent et répondent à des feed-back positifs ou négatifs. Pour la recherche fondamentale, il n’y a pas de méthodes comparables à une recette de cuisine, il y a des observations qui doivent être mesurées, confirmées, intégrées dans une hypothèse à confirmer ou à infirmer.
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Le bon chercheur est celui qui se pose la bonne question, qui recherche la faille dans les idées dominantes, qui veut repousser plus loin les limites de nos connaissances. Le chercheur cependant dépend des instruments de mesure qu’il a à sa disposition. Sa récompense ultime est de mettre à jour « des choses cachées depuis la fondation du monde » (René Girard).
appelées cytokines libérées par les lymphocytes et agissant sur d’autres lymphocytes, découverte de la maturation du lymphocyte « naïf » vers le lymphocyte « mémoire » ; découverte des différents types d’anticorps, des anticorps monoclonaux et des lymphocytes tueurs cytotoxiques.
La recherche fondamentale n’a pas pour but d’être appliquée à tel ou tel problème de santé. Elle profite cependant de l’observation de maladies rares ou d’expériences malheureuses de la nature, ce qui permet à partir d’un dysfonctionnement, de mieux connaître le fonctionnement normal de l’organe en cause. La recherche translationnelle par contre se donne comme but d’appliquer les nouvelles connaissances acquises en recherche fondamentale à des pathologies particulières afin de mieux les comprendre. C’est ainsi que la sclérose en plaques a bénéficié des progrès remarquables de l’immunologie, mais aussi de la chimie et de la physique qui ont permis le développement de la résonance magnétique et la détection visuelle des plaques de SEP.
Une importante difficulté dans la recherche translationnelle concernant la sclérose en plaques est l’absence d’un modèle animal spontané de cette maladie. Aucun animal ne fait en effet spontanément une maladie ressemblant à la SEP. Il a donc fallu créer un modèle expérimental comparable à la maladie humaine, l’encéphalite auto-immune expérimentale. Ce modèle impliquant surtout les lymphocytes T a permis de mettre en évidence des mécanismes très importants et applicables à la SEP, mais a aussi occulté pendant de nombreuses années l’importance des lymphocytes B dans la maladie humaine. Ce modèle est le plus souvent caractérisé par une poussée unique, ce qui est très différent des poussées à répétition observées dans la SEP.
Le bon chercheur est celui qui se pose la bonne question, qui recherche la faille dans les idées dominantes
Cette recherche translationnelle a permis de mettre en évidence des mécanismes clés qui doivent être bloqués par des traitements spécifiques. C’est le cas par exemple de la rupture de la barrière hématoencéphalique et le passage anormal de lymphocytes activés auto-agressifs du sang vers le cerveau. Le meilleur exemple du blocage de ce mécanisme est représenté par l’utilisation du Tysabri® dans le traitement de la maladie.
En fonction donc des anomalies observées à l’échelle moléculaire qui sont responsables des dysfonctionnements du système immunitaire et du système nerveux, des molécules peuvent être sélectionnées dans l’espoir d’influer sur le cours de la maladie. Commence alors le long chemin des essais thérapeutiques avec des tests sur un modèle animal si possible, soit in vitro en
laboratoire (cultures cellulaires), soit in vivo sur l’animal vivant ; puis des tests cliniques de phase 1 qui visent surtout à s’assurer de l’absence d’effets secondaires nocifs sur un petit nombre de volontaires sains ; puis une phase 2 chez quelques dizaines de patients afin de déterminer la posologie la mieux adaptée et s’assurer de l’absence de réactions paradoxales ; puis, en cas de résultats encourageants, une phase 3 durant laquelle la nouvelle molécule est cette fois testée sur plusieurs centaines voire quelques milliers de patients. Ces essais cliniques font l’objet d’une réglementation stricte, doivent être déclarés au niveau national et international, monitorés par un comité d’experts indépendants, évalués régulièrement. Dans certains cas, ils sont arrêtés de manière prématurée en cas d’échec ou d’effets secondaires graves. Ces derniers peuvent même apparaître après la commercialisation du nouveau médicament et entraîner son retrait définitif (exemple du daclizumab dans la SEP).
Le chercheur se doit d’être opportuniste dans le meilleur sens du terme et et surtout d’analyser les résultats inattendus !
Mais la recherche aussi bien fondamentale que translationnelle peut réserver des surprises et des résultats inattendus. Dans le cadre de la SEP, un traitement par interféron gamma a été testé et a finalement provoqué plus de poussées par rapport à l’évolution naturelle de la maladie (Panitch et al, Lancet, 18 avril 1987).
C’est pourquoi les antagonistes de l’interféron gamma, en particulier l’interféron bêta, ont été testés avec le succès que l’on sait (Betaferon®, Avonex®, Rebif®, Plegridy®). De même, dans les années 70, les chercheurs de l’institut Weizmann à Tel-Aviv ont synthétisé un petit peptide, l’acétate de glatiramère, dans l’espoir d’induire l’encéphalite auto-immune expérimentale. Ils ont observé un résultat inverse, ce peptide étant protecteur contre l’encéphalite. Il a été ensuite testé chez les patients SEP et est maintenant connu sous le nom de Copaxone®.
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