Durant l'année 2015, on peut s'attendre à voir apparaître sur le marché, et donc disponibles pour des traitements chroniques, trois nouvelles molécules.
Le nombre de traitements immunomodulateurs dans cette forme la plus fréquente de sclérose en plaques est en augmentation constante, ce qui résulte d’un nombre élevé d’essais cliniques menés à terme. C’est ainsi que durant l’année 2015, on peut s’attendre à voir apparaître sur le marché, et donc disponibles pour des traitements chroniques, trois nouvelles molécules : le Teriflunomide qui sera commercialisé sous le nom d’Aubagio ; le diméthyl fumarate qui sera commercialisé sous le nom de Tecfidera, et enfin un interféron bêta modifié pour augmenter sa durée d’action, commercialisé sous le nom de Plegridy.
Il paraît donc important de refaire une synthèse de ces différents traitements en fonction de leur mode d’action. En fait, on peut distinguer 4 types de traitement immunitaire dans la sclérose en plaques :
1° la modulation du fonctionnement des cellules immunitaires
2° l’inhibition du trafic lymphocytaire
3° la destruction de certaines sous-populations de lymphocytes
4° l’inhibition de la réplication, c’est-à-dire de la prolifération, des lymphocytes.
La modulation du fonctionnement des cellules immunitaires
Dans le premier groupe, apparaissent des produits bien connus et utilisés depuis plus de 20 ans comme les interférons bêta commercialisés sous différents noms (Bêtaféron, Extavia, Avonex, Rebif). Il en va de même pour le glatiramer acétate ou Copaxone. Tous ces produits nécessitent des injections sous-cutanées ou intramusculaires. Ils sont dépourvus d’effets secondaires graves à long terme. Ils ont une efficacité partielle sur le cours de la maladie, en diminuant la fréquence des poussées de 30 à 50 % suivant que l’on soit un bon ou un médiocre « répondeur ». Ils freinent aussi partiellement l’accumulation de nouvelles lésions en résonance magnétique cérébrale, et la fréquence de lésions actives inflammatoires. Un interféron modifié vient d’être mis au point qui permet une plus longue durée d’action. Cet interféron ne doit être injecté qu’une seule fois toutes les deux semaines en sous-cutané. Son efficacité est comparable aux interférons classiques avec une diminution de la fréquence des poussées de 35 % par rapport à un groupe placebo. Il en résulte donc un plus grand confort pour le patient vu la nette réduction du nombre d’injections. Il pourrait être disponible durant l’année 2015 sous le nom de Plegridy.
Le Tecfidera fait partie aussi de ce premier groupe avec cependant un mode d’action tout à fait nouveau qui consiste à stimuler des voies métaboliques antioxydantes. Ce produit se prend sous forme de 2 comprimés par jour, un le matin et un le soir. En début de traitement, il peut provoquer des troubles gastro-intestinaux ainsi que des phénomènes de « flush » ou bouffées de chaleur. Son efficacité est vraisemblablement supérieure aux premiers médicaments cités avec des diminutions dans la fréquence des poussées de 50 à 60 %. Le nombre de nouvelles lésions en résonance magnétique cérébrale ou de lésions inflammatoires actives est diminué de l’ordre de 80 %. Il a été accepté par l’Agence européenne du médicament dans cette indication et il a reçu l’autorisation de la mise sur le marché. Son dossier est actuellement soumis à la commission de remboursement des médicaments à l’INAMI. Notons que ce produit est un dérivé d’une médication déjà utilisée dans le passé contre le psoriasis particulièrement en Allemagne.
L’inhibition du trafic lymphocytaire
Le 2e type de traitement consiste à bloquer la circulation normale des lymphocytes du sang en les empêchant d’entrer dans le cerveau, et donc en les empêchant de traverser la barrière hémato- encéphalique. Le premier médicament de cette famille est le Tysabri, un anticorps monoclonal qui doit être injecté à raison de 300 mg par voie intraveineuse toutes les 4 semaines. Le Tysabri agit directement sur la barrière hémato-encéphalique en bloquant la molécule nécessaire aux lymphocytes pour traverser cette barrière. Le Tysabri est donc un traitement très efficace qui peut réduire la fréquence des poussées de 80 à 90 %. Il supprime cependant la surveillance immunologique normale du cerveau, ce qui peut conduire dans des cas relativement rares, après deux ans de traitement, à une encéphalite provoquée par un virus latent dans l’organisme et qui infecte secondairement la cellule productrice de la myéline. Cette encéphalite se nomme leuco- encéphalite multifocale progressive (LEMP). Un patient qui n’a jamais rencontré ce virus, et qui n’a donc pas d’anticorps contre ce virus appelé « JC » ne court donc pas le risque de cette complication.
Le 2e médicament de ce groupe est le Gilenya, qui lui, bloque les lymphocytes dans les ganglions lymphoïdes et réduit donc le nombre de lymphocytes circulant dans le sang d’environ 70 %. Il a une efficacité similaire au Tysabri. Ces deux médicaments sont considérés à l’heure actuelle comme des traitements de 2e ligne, utilisés après échec des traitements de première ligne, c’est-à-dire échec des médicaments du premier groupe. Avec ces deux produits, on peut obtenir ce que l’on appelle une « tolérance zéro » chez environ 35 % des personnes traitées : ceci signifie l’absence de nouvelles poussées, l’absence de nouvelles lésions en résonance magnétique cérébrale, l’absence de progression du handicap induit par la maladie.
La destruction de certaines sous-populations de lymphocytes
Le 3e type de médications consiste en des anticorps monoclonaux dirigés contre des sous-groupes de lymphocytes et provoquant leur destruction. Un de ces produits, l’alemtuzumab, sera bientôt disponible et commercialisé sous le nom de Lemtrada. Il s’agit d’un produit très puissant, détruisant un grand nombre de lymphocytes, utilisés anciennement dans des leucémies résistantes, et pouvant induire des rémissions de longue durée et de bonne qualité chez les patients présentant une forme agressive et évolutive de la maladie. Cette médication se donne par voie intraveineuse durant 5 jours consécutivement la première semaine de traitement, puis après un an sans traitement, à nouveau durant 3 jours consécutivement. Les re-traitements se feront en fonction d’éventuelles nouvelles poussées. 80 % des patients étaient sans activité de la maladie durant la 3e année et n’avaient donc plus besoin de traitement. Ce produit peut cependant provoquer l’apparition de maladies auto-immunes de type thyroïdite ou de chute des plaquettes sanguines suite à la fabrication d’anticorps anti-plaquettes. Il faut donc une surveillance biologique de longue durée (4 ans) après un tel traitement. Il pourrait cependant induire une rémission de la maladie de longue durée sans traitement complémentaire chez une majorité de patients. Le 2e produit dans ce groupe est toujours à l’étude : il s’agit d’un anticorps monoclonal dirigé contre les lymphocytes B appelé ocrélizumab. On est en attente des résultats des essais cliniques de phase 3.
L’inhibition de la réplication, c’est-à-dire de la prolifération, des lymphocytes
Enfin, les médicaments du 4e groupe, qui inhibent la réplication lymphocytaire, sont plus généralement considérés comme des immunosuppresseurs que comme des immunomodulateurs. Certains de ceux-ci ont été utilisés dans la sclérose en plaques dès les années 70 (azathioprine ou Imuran ; cyclophosphamide ou Endoxan, Méthotrexate ou Ledertrexate). Dans les années 90, la mitoxantrone (Novantrone) a été utilisée dans les formes les plus actives et les plus agressives de la maladie, avec un succès certain. Malheureusement, les effets secondaires sont significatifs tant sur le plan cardiaque que sur un risque accru de leucémies. Un dérivé de la mitoxantrone, le pixantrone, vient d’être testé grâce à la Fondation Charcot, avec des résultats initiaux très intéressants, et en principe, avec moins d’effets secondaires vu la différence de formule chimique. Ils devraient cependant être confirmés dans une étude plus large.
Le dernier produit de ce groupe est le Teriflunomide ou Aubagio, qui sera commercialisé d’ici peu, ayant été approuvé par la commission de remboursement de l’INAMI. Il s’agit d’un médicament immunosuppresseur inhibant la multiplication des lymphocytes activés par inhibition d’une enzyme de la mitochondrie. C’est un dérivé d’un autre médicament déjà utilisé dans la polyarthrite rhumatoïde, l’Arava. Ses effets secondaires sont surtout intestinaux, avec possibilité de légères diarrhées, de lenteur de digestion, de perte de cheveux toujours cependant légère et réversible, et d’une éventuelle hépatite médicamenteuse durant les premiers mois de traitement, rare mais qu’il faut détecter et qui est totalement réversible à l’arrêt de la médication. Aubagio a une efficacité comparable aux médicaments actuels de première ligne que sont les interférons et la Copaxone. Il se prend par voie orale à raison d’un seul comprimé par jour.
Le nombre de médicaments utilisables dans la sclérose en plaques avec poussées est donc en pleine extension avec de nouveaux produits dont il faudra déterminer l’efficacité mais aussi la toxicité éventuelle sur une plus longue période que les deux ans habituels des essais thérapeutiques.
Il faudra aussi apprendre à hiérarchiser l’utilisation de ces produits en fonction du mode évolutif de la maladie propre à chaque patient. Des études comparatives entre ces divers produits doivent être menées pour mieux connaître les points forts et les points faibles de chacun d’entre eux en pratique quotidienne, « sur le terrain ». Ces études prospectives dites de phase 4 seront en partie menées grâce à un registre national organisé et contrôlé par le Groupe Belge d’Etudes de la Sclérose en Plaques, et ce, avec l’appui de la Fondation Charcot.
Les formes progressives de la maladie ne sont pas oubliées, car des essais thérapeutiques sont actuellement en cours avec le Tysabri, le Gilenya, et l’ocrélizumab dans cette indication particulière.
Quoi qu’il en soit, ces nouveaux traitements montre que la recherche dans la sclérose en plaques est dynamique et qu’elle se traduit maintenant et à moyen terme, par l’apparition de nouveaux traitements de plus en plus adaptés et de plus en plus spécifiques de la maladie.
Professeur Christian SINDIC, Président du Groupe Belge d'Etude de la SEP