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Remyélinisation: but ultime ou illusion ?

La gaine de myéline qui entoure et isole les fibres nerveuses, est une membrane de composition très particulière, consistant en 70 % de lipides et 30 % de protéines. Cette proportion est quasiment l’inverse de ce qui est observé dans les autres membranes des cellules de l’organisme. Toute membrane est très sensible aux phénomènes d’oxydation, qui les détruisent. Or toute réaction inflammatoire est accompagnée de la libération de produits oxydants.
Et les plaques fantômes ?
Y a-t-il une remyélinisation spontanée dans le cerveau des patients atteints de SEP ? La réponse est définitivement OUI. Cette remyélinisation spontanée avait été suggérée par les travaux d’Olivier Périer et Anne Grégoire en 1965, ces deux chercheurs belges ayant utilisé pour la première fois la microscopie électronique pour l’étude de lésions de SEP. En 1970, John Prineas et collaborateurs ont confirmé de manière définitive la possibilité d’une telle remyélinisation. Les nouvelles gaines de myéline restent cependant plus fines que normalement mais permettent à nouveau un transfert de l’influx nerveux proche de la normale. Ces plaques remyélinisées sont appelées « plaques fantômes » ou « shadow plaques ».
 
Depuis lors, plusieurs études ont montré que cette remyélinisation pouvait être très variable d’une personne à l’autre, et chez une même personne, d’un endroit du cerveau à un autre.
Ainsi, une étude portant sur 51 autopsies a montré que chez 20 % des patients, la remyélinisation avait été extensive de l’ordre de 60 à 96 % du nombre total de lésions. On a pu aussi montrer que la remyélinisation était plus fréquente et plus complète dans des plaques récentes et dans des plaques situées dans le cortex cérébral. Par contre, les plaques très anciennes, situées autour des ventricules ou dans le cervelet ne montraient pas ou très peu de signes de remyélinisation. Nous ne comprenons pas encore à l’heure actuelle les causes de ces différences entre individus et entre différents sites cérébraux.
 
Quels sont les facteurs responsables du blocage de la remyélinisation ?
Ils sont malheureusement nombreux et interagissent entre eux, ce qui rend difficile de trouver la meilleure cible thérapeutique. On peut citer :
  • la persistance d’une inflammation à bas bruit en périphérie d’anciennes plaques, qui sont alors appelés « chroniques actives ». Il s’agit de macrophages activés qui continuent à détruire les gaines de myéline à la périphérie de la lésion, provoquant une lente augmentation de leur diamètre. Ces macrophages contiennent souvent des atomes de fer très toxiques. Ils contiennent aussi beaucoup de graisse et des fragments de myéline, ce qui les maintient dans un état pro-inflammatoire. Ils libèrent des substances oxydantes et neurotoxiques. Cette inflammation n’est pas visualisée par l’injection de gadolinium lors d’une I.R.M.
  • une hypertrophie cicatricielle des astrocytes qui remplacent la myéline détruite et rendent le tissu cérébral dur et « scléreux ».
  • une dégénérescence des fibres nerveuses qui ont perdu leur gaine de myéline, qui peuvent être déformées, et dont la capacité à produire des molécules énergétiques est réduite
  • un nombre insuffisant de cellules précurseurs des oligodendrocytes (OPC) et/ou leur incapacité à se différencier en oligodendrocytes matures aptes à synthétiser de nouvelles gaines de myéline autour des fibres nerveuses.
Quels pourraient être nos moyens pour stimuler la remyélinisation ?
Évidemment, il vaut toujours mieux prévenir que guérir et la première chose est d’empêcher l’apparition de nouvelles plaques et donc de nouvelles zones de démyélinisation, grâce à nos médicaments anti-inflammatoires actuels qui sont de plus en plus
puissants : ils permettent d’empêcher l’apparition de plus de 90 % des plaques actives prenant le produit de contraste en IRM.
 
Le défi le plus important à relever actuellement est celui de bloquer l’inflammation chronique autour des plaques plus anciennes
Le défi le plus important à relever actuellement est celui de bloquer l’inflammation chronique autour des plaques plus anciennes, c’est-à-dire de bloquer l’activité des macrophages en périphérie des lésions et plus diffusément dans l’ensemble du cerveau. Il existe aussi une population de lymphocytes ayant envahi diffusément le tissu cérébral, dont il faut bloquer l’activité inflammatoire. Pour atteindre ce but, il nous faut donc des médicaments qui puissent pénétrer à dose suffisante à l’intérieur du système nerveux à travers la barrière hémato-encéphalique.
 
Un autre défi est de stimuler les OPC pour qu’ils se différencient en oligodendrocytes matures et puissent synthétiser à nouveau des gaines de myéline. Cette stimulation pourrait nécessiter l’apport de facteurs de croissance ou de facteurs de différenciation grâce à des lymphocytes régulateurs génétiquement modifiés, de petites nanomolécules ou de vésicules extracellulaires capables de traverser ou de court-circuiter la barrière hémato-encéphalique.
 
Ces médications à potentialité remyélinisante devront être de toute façon administrées très vite dès le début de la maladie en même temps que les actuels anti-inflammatoires à notre disposition, pour empêcher la dégénérescence des fibres nerveuses et la sclérose par hypertrophie des astrocytes.

En conclusion, remyéliniser les plaques de SEP est potentiellement réalisable et fait l’objet de nombreuses recherches, comme l’attestent les projets de nombreux lauréats 2023 de la Fondation.

Professeur Em. Christian Sindic