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L'évolution de la SEP

L'évolution de la SEP

Formes cliniques

Il est classique de dire que l'évolution de la SEP est imprévisible. C'est vrai si l'on considère un patient en particulier, mais si l'on étudie plusieurs milliers de malades, il devient évident que l'on peut classifier la SEP en quelques formes cliniques, dont l'évolution présente des caractères spécifiques, permettant de regrouper les patients ayant ces caractères en commun.

La forme à poussées pures, appelée "rémittente" est caractérisée par l'apparition brusque d'un ou de plusieurs symptômes qui disparaissent progressivement en six à huit semaines, sans laisser de séquelles. Ces poussées peuvent se reproduire avec une fréquence variable, selon chaque patient, allant de plusieurs poussées par an à des poussées espacées par plusieurs années d'intervalle.
La forme à poussée et progression, dite "rémittente-progressive" évolue de façon rémittente, sans séquelles, pendant 10 à 15 ans en moyenne puis le malade garde un certain handicap après chaque poussée. Pendant cette progression du handicap, les poussées continuent même si elles s'espacent souvent.
La forme "progressive secondaire" concerne les patients ayant tout d'abord présenté une forme rémittente et chez qui les poussées disparaissent totalement après un certain temps pour faire place à une progression lente, plus ou moins régulière, du handicap.
La forme progressive d'emblée, nommée "progressive primaire" par opposition à la forme précédente, commence de façon insidieuse, le plus souvent par des problèmes de marche. Ces troubles s'aggravent lentement et d'autres signes apparaissent discrètement au cours du temps. A aucun moment ces patients ne présentent donc de nette aggravation ou amélioration de leur état. L'évolution se fait de façon très lente, perceptible à l'échelle des années.

Il existe également diverses formes de SEP en fonction de la gravité de l'évolution.
La "forme habituelle", la plus fréquente a un caractère rémittent  progressif et évolue sur de nombreuses années. Après 17 ans en moyenne, les patients deviennent partiellement dépendants, ils le sont totalement après 25 ans environ.
La "forme bénigne" s'observe chez des patients présentant une forme rémittente pendant plusieurs dizaines d'années, caractérisée par des poussées le plus souvent de type sensitif et dont ils ne gardent pratiquement aucun déficit.
Dans la forme "maligne" au contraire, les premiers symptômes sont d'emblée très graves, atteignent surtout le tronc cérébral et peuvent mettre la vie en danger après une évolution de trois ou quatre ans, parfois même quelques mois. Ces formes sont heureusement très rares ; elles concernent d'habitude des sujets jeunes.

Il faut rappeler également que la SEP peut être "asymptomatique". Certaines personnes sont en effet porteuses de la maladie, mais ne présentent aucun symptôme. La découverte fortuite de plaques au niveau du cerveau sur une IRM, pratiquée par exemple après un traumatisme crânien ou à l'occasion de maux de tête, ainsi que la mise en évidence d'anomalies du LCR témoignant de réactions immunitaires anormales strictement comparables à celles observées dans la SEP, permet de poser le diagnostic de SEP asymptomatique.

Au cours de ces dernières années, la limite d'âge au-delà de laquelle la SEP est considérée comme exceptionnelle est progressivement passée de 45 à 59 ans. Ces "formes tardives" sont rares (0.5 %) et leur principale caractéristique est d'appartenir presque toujours à la forme progressive primaire. En général, les malades présentent une atteinte motrice des membres inférieurs dès le début dont l'évolution, contrairement à ce que l'on croyait, ne serait pas plus rapide que dans les formes à début plus précoce. Les autres caractéristiques et notamment la prédominance du sexe féminin ne sont guère différentes. Il faut signaler qu'il est plus difficile de poser le diagnostic de SEP chez les personnes d'un certain âge parce qu'il n'est pas toujours évident de faire la différence sur les clichés de l'IRM entre les plaques et de petites lésions vasculaires fréquentes à cet âge. L'étude du LCR et les techniques neurophysiologiques revêtent ici une importance particulière.

A l'opposé, on classe dans les "formes juvéniles" les patients dont la maladie commence avant l'âge de 16 ans. Leur fréquence est d'environ 5 % et il existe une prépondérance de cas féminins. Le début de l'affection est souvent brutal, caractérisé surtout par des troubles visuels et des paralysies des jambes. Ces signes cliniques sont parfois précédés par de la température, des maux de tête et des vomissements. Par la suite l'évolution de la maladie n'est guère différente quant à sa progression ou à la fréquence des poussées. Ces patients restent indépendants plus longtemps, mais ceci ne suffit pas à compenser le fait qu'ils commencent leur maladie très jeunes et en fin de compte, ils seront sévèrement handicapés relativement tôt (entre 30 et 40 ans).

Histoire naturelle de la SEP

Depuis une dizaine d'années, plusieurs chercheurs ont introduit les dossiers cliniques de milliers de patients dans des banques de données, gérées par ordinateur.
Ceci a permis, grâce à des programmes de statistique, de se faire une idée plus précise de ce que nous appelons l' "histoire naturelle de la SEP". Ces études confirment une plus grande fréquence de la maladie dans le sexe féminin dans tous les pays où elle existe sans que nous ayons, rappelons-le, d'explication valable sur ce point.
Si l'on étudie une population de malades SEP à un moment donné, 15 % environ d'entre eux ont une forme rémittente, 58 % une forme rémittente progressive et 27 % une forme progressive d'emblée. L'évolution est bénigne dans 15 % des cas, habituelle dans 79 % et maligne dans 6 %. Il faut remarquer cependant que ces statistiques concernent souvent des malades attachés à un centre spécialisé et ne réflètent pas nécessairement la répartition à l'échelle de tout un pays. S'agissant de malades suivis dans des hôpitaux, il existe une représentation trop importante des formes graves requiérant des soins spéciaux. Par contre, les formes peu handicapées sont sous-estimées du fait qu'elles consultent en cabinet privé. On pense en général que les formes bénignes représentent 25 % de la population totale des patients.
L'âge moyen de début est de 32 ans dans les deux sexes mais les formes progressives primaires ont un début plus tardif (36 ans en moyenne).
Certains symptômes inauguraux sont plus fréquents : 45 % des patients présentent en premier lieu des troubles moteurs, 26 % des troubles sensitifs, 19 % une névrite optique ou une atteinte du tronc cérébral et 18 % des troubles cérébelleux.
L'intervalle entre la première et la deuxième poussée conditionne de façon nette le pronostic à long terme. Plus l'intervalle est long, plus la phase progressive, et donc l'apparition d'un handicap, surviendra tardivement. Cet intervalle entre les deux premières poussées semble en rapport avec l'âge de début de l'affection. Il est en effet de 6,6 ans en moyenne si la maladie commence avant vingt ans et de 3,1 si elle débute après quarante ans. Il en résulte que la période pendant laquelle le malade garde une indépendance physique est plus longue (24 ans) si l'âge de début est précoce et sensiblement plus brève (12 ans) si le début est tardif. C'est ainsi que dans la forme rémittente progressive, l'intervalle entre le début de la maladie et la phase progressive est plus long (15 ans en moyenne) si les symptômes inauguraux se sont présentés avant 20 ans et plus court (8 ans en moyenne) s'ils sont apparus après 40 ans.
On voit donc que l'âge de début est un des facteurs les plus importants influençant l'évolution de la maladie. Il conditionne en effet l'intervalle entre les deux premières poussées, qui lui-même détermine l'apparition de la phase progressive secondaire et la survenue d'un handicap.
On a tenté de dégager d'autres facteurs de pronostic, mais ils n'ont de valeur statistique que lorsqu'ils concernent des groupes de malades. Il sont moins fiables lorsqu'ils sont appliqués à un malade particulier.
On considère par exemple que le fait de commencer la maladie avant 25 ans, de présenter une névrite optique ou des troubles sensitifs comme premiers symptômes et de n'avoir la seconde poussée que plusieurs années après la première, sont des facteurs de bon pronostic. Par contre, un début de la maladie après 30 ans par des problèmes moteurs laissant des séquelles et un intervalle avant la seconde poussée de deux ou trois ans, font présager d'une évolution moins favorable. Un des paramètres les plus fiables pour prédire l'état d'un patient à long terme (c'est-à-dire après 15 ou 20 ans d'évolution) est celui de son handicap 5 ans après l'apparition des premiers symptômes. Septante pour cent des patients totalement autonomes à ce stade, le resteront après 15 ans, 40 % d'entre eux après 20 ans.
Rappelons que statistiquement, 50 % des patients SEP sont partiellement dépendants de leur entourage après 17 ans d'évolution.
L'espérance de vie des patients SEP est certainement meilleure aujourd'hui qu'il y a 50 ans. Des statistiques récentes montrent qu'elle est réduite de 6 ans en moyenne chez les hommes et de 4 ans chez les femmes par rapport au reste de la population. Il ne faut pas en conclure cependant que la SEP est plus grave chez l'homme, car on sait que dans une population normale, les hommes meurent également 5 à 6 ans plus tôt que les femmes. En d'autres termes, les hommes atteints de SEP ne meurent pas plus tôt que les femmes souffrant de cette maladie parce qu'ils ont une SEP mais simplement parce que ce sont des hommes.

Facteurs pouvant influencer l'évolution de la SEP

Depuis les premières descriptions de la maladie, certaines circonstances ont été considérées comme pouvant influencer défavorablement son évolution.

Traumatismes

Au début du XX° siècle, plusieurs cliniciens ont rapporté une aggravation de la maladie ou l'apparition de poussées dans les suites plus ou moins proches d'un traumatisme. Ce mot recouvre en fait de nombreuses pathologies allant de l'intervention chirurgicale grave à la simple extraction dentaire en passant par les chocs au niveau de la tête ou de la colonne, les fractures, les entorses, les brulures, les électrocutions, etc...
On a donc considéré longtemps qu'il existait une relation de cause à effet entre ces événements et une modification de l'état clinique des malades et on comprend aisément que de telles situations puissent revêtir une incidence médico-légale. En fait, une coïncidence fortuite entre un traumatisme et l'apparition d'une poussée est d'autant plus fréquente que les traumatismes surviennent trois fois plus souvent chez les patients souffrant de SEP que dans une population normale.
En réalité il était impossible de se faire une opinion valable sur des cas isolés, et seules des études portant sur un nombre important de cas ont permis de résoudre ce problème récemment.
Les premières études, dites rétrospectives parce que faites par compilation d'anciens dossiers, n'ont montré aucune corrélation entre un "traumatisme" au sens large et une aggravation de la maladie. On a pu également préciser que chez une personne n'ayant pas encore présenté de symptômes, la première poussée n'était jamais provoquée par un traumatisme. Une exception : l'électrocution. Dans les quelques cas observés, on note un rapport significatif entre l'accident et l'apparition d'une poussée, tant dans le temps que dans la localisation de l'atteinte neurologique.
Les études plus récentes ont été réalisées de manière prospective, c'est-à-dire en suivant des patients tous les mois pendant plusieurs années, leur demandant de noter soigneusement tous les traumatismes auxquels ils avaient été exposés ainsi que les fluctuations de leur maladie. Ces enquêtes méticuleuses ont confirmé la notion qu'un traumatisme n'influençait pas l'évolution de la SEP, exception faite de l'électrocution.

Sur un plan pratique, il est donc important de savoir que l'on peut en cas de nécessité, procéder à des extractions dentaires ou des interventions chirurgicales chez des malades atteints de SEP sans les exposer au risque d'aggraver leur affection. Incidemment ces mêmes travaux ont également démenti la croyance populaire selon laquelle de nombreux malades se seraient aggravés après avoir subi une ponction lombaire.

Infections

Plusieurs études prospectives ont confirmé que pendant une infection respiratoire, le risque de faire une poussée était multiplié par trois. Ceci concerne davantage les affections virales que bactériennes. Pendant les différents mois de l'année, la fréquence des poussées spontanées (non liées à une infection) reste stable, tandis que celle des poussées associées à une infection montre une augmentation sensible en février et mars, ainsi que de septembre à décembre. Cette augmentation de fréquence correspond très exactement à celle des infections respiratoires pendant ces périodes. Cette incidence défavorable des infections virales respiratoires a été confirmée récemment de façon prospective chez les patients ayant participé à la première étude clinique de l'interféron-bèta.
Deux hypothèses ont été évoquées pour expliquer ce phénomène. La première se réfère à la similitude de structure moléculaire entre certains virus et la myéline ; la seconde, plus vraisemblable, met en cause la sécrétion d'interféron-gamma (IFN-g) au cours des infections virales. On sait en effet que ce médiateur chimique stimule les réactions immunitaires et que son administration à des patients SEP au cours d'essais thérapeutiques provoque une augmentation transitoire du nombre de poussées.

Vaccinations

Les infections virales étant le facteur influençant le plus fréquemment la SEP de façon défavorable, il est logique de tenter de réduire ce risque en recourant aux vaccinations. Cependant, comme le facteur extérieur responsable du déclenchement de la maladie est peut-être viral, et qu'une vaccination entraîne de profondes réactions du système immunitaire, on pourrait craindre qu'elle n'influence défavorablement l'évolution.
Pour savoir si une vaccination pouvait favoriser le déclenchement d'une SEP, une étude a recensé les malades SEP en général et ceux ayant présenté une première poussée en particulier, parmi un millier de complications neurologiques rapportées à un centre de pharmacovigilance concernant dix-huit vaccins différents. L'étude statistique a montré que l'incidence de nouveaux malades SEP et celle de nouvelles poussées dans la période de trente jours suivant la vaccination sont nettement inférieures à l'incidence spontanée. On peut en conclure qu'aucun de ces dix-huit vaccins n'a déclenché la maladie ni augmenté le risque de poussée. Les quelques rares cas publiés dans la littérature résultent d'une pure coïncidence entre la vaccination et les premiers signes de SEP.
Sur le plan pratique, les questions concernent le plus souvent la vaccination contre la grippe. Les études contrôlées comparant des groupes de malades vaccinés à des patients ayant reçu un placebo ou non-traités, ont permis d'exclure l'hypothèse d'une augmentation des poussées résultant d'une vaccination contre la grippe.
Certains auteurs ont même observé une réduction du nombre de poussées et un ralentissement de la progression chez les malades vaccinés par rapport à ceux qui ne l'avaient pas été en période hivernale. La surveillance attentive de 6 malades sur le plan clinique et par des IRM pendant une année avant et une année après vaccination contre la grippe par des virus tués, a montré que les poussées étaient moins fréquentes, que le handicap ne s'aggravait pas et qu'il n'existait pas de nouvelles plaques visibles à l'IRM pendant  année qui suit la vaccination. Il résulte de ces diverses observations que, sauf cas particulier, la vaccination annuelle contre la grippe est recommandée.

Stress et contrariétés

On se souvient que dans la description de sa maladie, Auguste d'Este en 1822 rapporte que ses premiers symptômes (baisse de vision et troubles de la marche) étaient apparus après un choc émotif. Il avait en effet appris le décès inopiné de l'ami auquel il rendait visite. Charcot lui-même estimait qu'un chagrin, une contrariété familiale ou sociale pouvait favoriser l'apparition de la première poussée.
Une autre publication anecdotique de la fin du XIX° siècle rapporte qu'un patient avait débuté sa maladie peu de temps après avoir trouvé son épouse au lit avec son amant. Depuis lors, plusieurs travaux ont confirmé ou infirmé cette relation de cause à effet, et à l'heure actuelle il reste difficile de trancher définitivement la question sur des bases scientifiques.
Depuis des siècles déjà, on connait de nombreuses observations de personnes ayant développé l'une ou l'autre maladie après un stress. Les premières études scientifiques à ce sujet datent du début du XX° siècle et concernaient des patients tuberculeux. Elles ont abouti à l'hypothèse selon laquelle le stress provoquerait une immunodépression et par conséquent une plus grande sensibilité à la tuberculose. De nos jours, ces problèmes sont l'objet d'un grand intérêt et ont donné naissance à une nouvelle discipline : la   sychoneuroimmunologie.
Une expérience troublante a montré qu'il est possible de provoquer une immunosuppression "conditionnée" à l'instar des célèbres réflexes conditionnés de Pavlov. On donne à boire à des animaux un liquide contenant de la saccharine (donc de goût sucré) et simultanément on leur injecte un immunosuppresseur. Il s'est avéré qu'il suffisait ensuite de faire boire la boisson sucrée pour provoquer une immunosuppression !
Ces phénomènes font intervenir des circuits complexes incluant certaines régions du SNC, le système endocrinien et le système immunitaire. Les influences réciproques se font par des médiateurs chimiques : hormones endocriniennes, protéines sécrétées par le SNC (neuropeptides) et immunomédiateurs.
En clinique, certaines modifications de ces médiateurs chimiques ont été objectivées mais aucune corrélation biochimique spécifique n'a pu être établie jusqu'à présent entre un épisode de stress et le développement ultérieur d'une maladie particulière. Quoiqu'il en soit il semble bien qu'après un stress il s'installe rapidement un état d'immunodéficience mais qu'il existe un phénomène de rebond après 3 ou 4 semaines. Ceci correspond assez bien au fait que le plus souvent, les patients présentent leur poussée avec un certain retard par rapport à leur contrariété.
Comme pour les traumatismes physiques, les chocs psychologiques sont plus fréquents chez les patients SEP que dans une population saine ou chez des malades atteints d'autres affections neurologiques. Une étude comparant deux groupes de malades SEP a permis de conclure que les malades ayant été victimes de contrariétés avaient présenté 3 à 7 fois plus de poussées, particulièrement si l'émotion avait été  violente. Il semble donc que ce soit davantage la gravité du stress plutôt que la fréquence des épisodes qui augmente le risque de présenter une poussée.
Ces études sont rétrospectives pour la plupart, et donc sujettes à critique, mais un travail récent, réalisé cette fois de façon prospective confirme l'existence d'une corrélation entre un stress et l'apparition ultérieure d'une poussée. Cette corrélation est cependant beaucoup moins nette que celle observée après une infection virale.

Grossesse

Influence de la SEP sur la grossesse
La SEP ne modifie pas la fertilité d'une femme. Elle a très peu d'impact sur le développement et le terme d'une grossesse et l'accouchement se passe normalement. Les avortements, les complications pendant la grossesse et au moment de la délivrance, les malformations foetales et les fausses couches ne sont pas plus fréquents. Si les femmes atteintes de SEP ont moins d'enfants, c'est parce qu'elles s'estiment souvent incapables d'élever une famille nombreuse et limitent volontairement les naissances.

Influence de la grossesse sur la SEP
Jusque dans les années 50, il était classique de dire que la grossesse pouvait faciliter l'apparition d'une SEP et avait une influence néfaste sur l'évolution de la maladie. Non seulement la grossesse était déconseillée mais on proposait de stériliser les femmes atteintes de SEP ou on leur conseillait d'avorter. Diverses études sur un grand nombre de malades ont ensuite été publiées, qui ont totalement modifié cette façon de voir. Il s'est avéré de fait que 3 % seulement des femmes commencent leur maladie pendant la grossesse et qu'elles sont moins handicapées à long terme que celles dont la maladie a débuté avant ou après la grossesse.
La plupart des études rétrospectives ont conclu que les poussées sont moins fréquentes au fur et à mesure que la grossesse progresse, mais cette notion vient d'être remise en question dans une étude prospective récente. Une observation intéressante concerne des examens d'IRM pratiqués chaque mois chez deux patientes SEP avant, pendant et après l'accouchement, et qui ont objectivé une diminution de l'activité des plaques pendant la grossesse et une augmentation sensible après la délivrance.

On considère donc généralement que les poussées sont environ deux fois plus fréquentes pendant les six mois qui suivent l'accouchement et que 20 à 40 % des patientes atteintes de SEP présentent une poussée dans les trois premiers mois du postpartum. De même, si l'on prend comme mesure "l'année postpuerpérale", c'est-à dire les neuf mois de grossesse plus les trois mois qui suivent l'accouchement, le risque de poussées est notablement accru par rapport aux autres années.
Cette plus grande fréquence des poussées n'est pas due à des facteurs psychologiques (stress) liés à l'accouchement et reste sans influence sur la progression de la maladie à long terme. D'autre part, l'évolution est la même chez les patientes dont le début de la maladie se situe avant ou après la grossesse. Le fait de ne pas avoir d'enfants ou dans le cas contraire le nombre de grossesses n'influencent pas l'évolution de la SEP.

L'effet protecteur de la grossesse reste difficilement expliquable. On l'attribue généralement à l'état d'immunosuppression bien connu qui permet à la femme enceinte de tolérer le foetus malgré qu'il soit un corps étranger pour son organisme. Cette immunodéficience temporaire expliquerait également une propension à contracter certaines affections virales ou à voir se développer rapidement certains cancers pendant la grossesse. Ces substances immunosuppressives sont sécrétées à la fois par la mère, le placenta et le foetus. Plusieurs d'entre elles ont été isolées et leur activité a été confirmée en laboratoire. La SEP étant caractérisée par un état d'hyperimmunité, on peut imaginer que ces substances exercent un effet modérateur sur les mécanismes immunitaires associés à l'évolution de la maladie. Cette hypothèse est d'autant plus séduisante que ces substances protègent les animaux contre l'EAE. Certaines d'entre elles ont été essayées comme traitement de la SEP mais ces études restent anecdotiques et jusqu'à présent non concluantes. Il faut noter
qu'une influence bénéfique de la grossesse s'observe également dans d'autres affections. Certains l'expliquent par un effet placebo lié aux modifications psychologiques et notamment à un état d'euphorie fréquemment observés au cours de la grossesse.

Sur le plan pratique, aux malades SEP qui s'inquiètent de l'incidence de la grossesse sur la maladie, on peut répondre que la fréquence des poussées est multipliée par deux ou trois dans le postpartum (ou de suite après un avortement) mais qu'à long terme l'évolution du handicap n'est pas influencée défavorablement. Plusieurs travaux récents suggèrent même que les grossesses pourraient avoir une effet protecteur à long terme. Ils concluent en effet qu'un et surtout plusieurs grossesses dimiuent le risque de développer une SEP ultérieurement ainsi que celui de présenter une première poussée pendant la gestation. De plus, la grossesse retarderait ou préviendrait le début de la phase progressive chez les femmes atteintes de SEP.
Aucune thérapeutique, en ce compris les corticoïdes, ne peut prévenir une augmentation du nombre des poussées en postpartum. Etant donné que l'exacerbation des poussées est vraisemblablement en rapport avec une disparition brutale d'un état d'immunosuppression au moment de la délivrance, il serait intéressant d'administrer après l'accouchement l'une ou l'autre des substances immunosuppressives associées à la grossesse, pour tenter de les prévenir.
Pendant la grossesse, en cas de poussées, on utilise la cortisone de préférence à l'ACTH, mais on évitera de l'administrer pendant le premier trimestre étant donné le risque de malformations foetales et de virilisation des foetus de sexe féminin. Pendant les derniers mois de la gestation, la cortisone peut parfois provoquer une dépression du fonctionnement des surrénales du foetus. Les substances agissant sur l'immunité, les antispastiques et les antalgiques employés pour calmer les névralgies du trijumeau seront évités, surtout pendant le premier trimestre. En dehors de ces diverses précautions, la surveillance pendant la période prénatale ne diffère pas de celle d'une grossesse chez une personne en bonne santé. Il faut cependant être attentif aux infections du tractus urinaire et en particulier aux cystites et aux pyélonéphrites.
Le travail s'effectue normalement et une césarienne ne sera envisagée que pour des raisons obstétricales. L'anesthésie épidurale peut être administrée sans problème et n'augmente pas le risque de poussées. Chez les patientes ayant reçu un traitement prolongé par cortisone pendant l'année précédant l'accouchement, on peut craindre une insuffisance de sécrétion des glandes surrénales. Certains recommandent donc de faire une injection intramusculaire d'ACTH (hormone stimulant la production de cortisone) dès l'admission en salle de travail, répétée toutes les 8 heures pendant 24 heures. Après l'accouchement, il est conseillé d'observer une période de repos un peu plus longue que chez une parturiente saine. L'allaitement maternel est sans incidence sur la maladie.

Si la SEP n'a pratiquement pas d'influence sur l'évolution de la grossesse et sur l'accouchement et réciproquement, il ne faut pas oublier que dans certains cas la mère peut éprouver des difficultés pour élever son enfant à cause de son handicap. La décision d'être enceinte doit donc être prise par la patiente et son partenaire en pleine connaissance de cet impact possible de la maladie sur la vie familiale. Incidemment les contraceptifs n'ont aucune influence péjorative sur la maladie, ils pourraient même avoir un effet protecteur. On a constaté en effet que dans l'arthrite ankylosante, qui est également une affection immunitaire, les malades sous contraceptifs font moins de poussées. De plus, expérimentalement, les contraceptifs ont un effet protecteur sur l'EAE. Un tel effet protecteur n'a jamais été observé cependant chez les patientes atteintes de SEP.

Exercices physiques, fatigue et température

En 1890 un neurologue allemand décrivit l'apparition de diplopie transitoire après un exercice physique chez plusieurs malades SEP. Il rapporta également le cas d'un patient resté près d'un calorifère pendant un certain temps et qui développa rapidement une perte de force dans la jambe droite, une insensibilité du bras gauche et surtout une baisse importante de la vision qui disparurent après quelques heures. Ces observations sombrèrent dans l'oubli mais en 1961, un ophtalmologue, allemand également, décrivit un patient qui présentait de la diplopie et un déficit du champ visuel après une lecture ou des excercices physiques prolongés. Se référant au neurologue ayant décrit ce phénomène pour la première fois, il l'appela "syndrome de Uhthoff". En fait ce phénomène peut s'observer dans diverses circonstances mais le plus souvent après une élévation de la température corporelle (hyperthermie).
Dans son manuscrit tenu de 1822 à 1846, François d'Este rapporte en détail le traitement de sa maladie par des bains chauds, à température croissante, sans signaler d'aggravation. Au début du XX° siècle, les bains chauds étaient encore appliqués chez des malades souffrant de SEP et plusieurs observations d'aggravations neurologiques furent alors rapportées. Ces données ont été confirmées par la suite et on considère actuellement que 80 % des malades s'aggravent lorsqu'ils font une hyperthermie et que 60 % développent même de nouveaux symptômes. Les patients qui ont une forte fièvre à l'occasion d'une grippe ou d'une infection pulmonaire en font souvent l'expérience.
Ces observations ont été à la base d'un test pour confirmer le diagnostic de SEP qui fut utilisé jusqu'au début des années 80. Il consistait à réchauffer un malade pour observer une aggravation transitoire des symptômes préexistants, ou l'apparition de nouveaux signes. Cette méthode appelée "test du bain chaud" perdit beaucoup de son intérêt après la publication de plusieurs cas dont l'aggravation avait été définitive.

Nous n'avons pas d'explications valables concernant les mécanismes qui sont à la base d'une aggravation de la SEP lors d'une hyperthermie, d'excercices physiques prolongés, ou d'une fatigue excessive. Certains pensent que la conduction nerveuse au niveau d'un nerf dont la myéline est endommagée est sensible aux changements de température et qu'elle s'adapte moins biens à une surcharge de travail. Il est curieux de constater que chez les patients sensibles à ce phénomène, il suffit d'un réchauffement de la température interne de 0,5 degré centigrade pour qu'il se produise. Etant donné que des variations spontanées de la température de 0,25 à 0,5 degrés surviennent chez chacun d'entre nous au cours de la journée, on se demande pourquoi ce phénomène ne s'observe pas plus souvent. On pense donc que des facteurs biochimiques non identifiés jusqu'à présent, sont davantage responsables qu'une simple augmentation de la température.

En pratique il est conseillé aux patients ayant une SEP d'éviter les efforts physiques prolongés, de s'exposer au soleil, et de prendre un bain très chaud. Lorsqu'ils se sentent fatigués, ils doivent se reposer et ne pas lutter contre cette fatigue qui en général disparaît après quelques instants de repos.

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