Tout savoir sur la sclérose en plaques

Les symptômes de la SEP
Les symptômes initiaux
Ils sont très variables, parfois bruyants, parfois discrets. Devant un premier symptôme isolé, le diagnostic peut rester en suspens.
- une faiblesse d’un ou plusieurs membres, une fatigabilité et une boiterie à la marche, un manque de force par atteinte des voies motrices centrales situées entre le cortex moteur cérébral et le motoneurone médullaire (35 %)
- la névrite optique qui se traduit par une perte de l’acuité visuelle rapide, en quelques heures ou quelques jours, unilatérale, le plus souvent régressive, accompagnée d’une douleur locale lors de mouvements des yeux. Elle représente les premiers symptômes de la maladie dans 22 % des cas. Même en récupérant complètement, elle peut laisser comme séquelles intermittentes le phénomène d’Uthoff. Il s’agit d’une baisse transitoire de la vision en cas d’augmentation même minime de la température corporelle lors d’un effort physique, d’un bain chaud, voire même de la consommation d’une boisson chaude. La névrite optique sera aussi très fréquente dans le décours de la maladie et peut récidiver soit au même oeil, soit à l’autre. En cas de très mauvaise récupération, elle peut conduire à une quasi-cécité. L’atteinte infraclinique des nerfs optiques (sans symptôme ressenti) est encore plus fréquente et sera à l’origine des perturbations des potentiels évoqués visuels
- des symptômes sensitifs peuvent se manifester par des paresthésies (fourmillements, picotements, insensibilité) dans les membres ou par un engourdissement de l’hémi- face (21 %). Des paresthésies dans une main et un bras, dans un hémicorps, dans les deux membres inférieurs remontant progressivement jusqu’à la taille ou jusqu’aux seins, sont fréquemment observées. Elles ne sont pas liées à la position du membre impliqué et persistent de manière constante au-delà de 24 à 48 heures. Une sensation de décharges électriques avec irradiation le long de la colonne ou dans les membres inférieurs, provoquée par la flexion brusque du cou, est désignée sous le nom de signe de Lhermitte et est aussi très évocatrice, mais non spécifique, de SEP. Elle doit être recherchée par l’anamnèse car elle est rarement signalée spontanément par les patients.
- la vision double, appelé diplopie, est également un symptôme inaugural fréquent (12 %). Cette vue double disparaît à la fermeture d’un œil, quel qu’il soit. Elle peut être due à une atteinte, dans le tronc cérébral, des fibres émergeant des noyaux oculomoteurs, ou de l’atteinte des voies nerveuses reliant les différents noyaux oculomoteurs. Il s’agit dans ce dernier cas d’une ophtalmoplégie internucléaire qui est très évocatrice de sclérose en plaques chez un sujet jeune. L’examen clinique montrera aussi un nystagmus (des secousses involontaires des globes oculaires) particulièrement dans le regard latéral.
- des sensations de déséquilibre ou d’instabilité en position debout ou à la marche peuvent caractériser le début de la maladie dans 5 % des cas.
- les troubles urinaires qui seront très fréquents dans le décours de la maladie, ne sont que rarement initiaux (5 %)
- les troubles cognitifs inaugurent rarement la symptomatologie. Ils seront cependant présents dans l’évolution ultérieure, chez 50 à 60 % des patients.
Les formes établies
- La forme classique de Charcot finit par associer après un certain temps d’évolution une faiblesse spastique des membres inférieurs, un syndrome cérébelleux tant en position debout qu’à la marche, des troubles de la parole sous forme de difficultés d’articuler (parole scandée, explosive) et de tremblements d’action lors de la saisie d’un objet. La marche est comparable à celle d’un état d’ébriété, en écartant les pieds, avec des embardées et des prises d’appui intermittentes.
- Les formes médullaires sont dominées par une paraparésie (faiblesse des deux jambes souvent asymétriques), à évolution progressive, et par une spasticité qui peut être plus importante que la faiblesse musculaire. Les troubles sphinctériens sont alors fréquents en particulier les mictions impérieuses et les incontinences d’urgence. La perte de la sensibilité profonde aux membres inférieurs entraîne un trouble de l’équilibre (ataxie sensitive) renforcé par la fermeture des yeux ou la pénombre. Plus rarement, on observe une faiblesse d’une jambe du même côté que la lésion médullaire, et des troubles de la sensibilité thermique et douloureuse dans l’autre jambe (syndrome de Brown-Sequard).
- Dans les formes sensorielles, l’atteinte visuelle est souvent initiale tandis que les troubles sensitifs sous forme de paresthésies et de déficit objectif des sensibilités fluctuent en intensité, régressent pour réapparaître lors de poussées dans les mêmes territoires ou dans des territoires différents. Un syndrome particulier est assez fréquent, celui de la main inutile (« useless hand »). La présence d’une plaque dans la partie postéro-latérale de la moelle cervicale entraîne des troubles sensitifs de la main du même côté de la lésion, sans déficit moteur, mais rendant cette main non fonctionnelle, incapable d’appréhender la forme, la consistance, et le poids d’un objet, avec impossibilité de le manipuler. Les phénomènes douloureux sont aussi fréquents et doivent être différenciés entre douleurs d’origine inflammatoire et douleur d’origine neuropathique.
- Dans les formes cérébelleuses, les signes d’incoordination et les tremblements sont au premier plan, pouvant rendre impossibles la marche, l’écriture et l’alimentation.
- Les crises d’épilepsie sont rares dans la SEP et ne sont observées que dans 2 à 5 % des cas.
Les symptômes « invisibles »
Les symptômes les plus visibles de la SEP concernent les troubles de la marche et de l’équilibre. Cependant, même ces symptômes peuvent être discrets ou relativement cachés en début de maladie, et n’apparaître qu’après un effort physique plus ou moins prolongé. C’est ainsi qu’une personne SEP peut marcher normalement sur quelques dizaines ou centaines de mètres, voire plusieurs kilomètres, puis remarquer l’apparition progressive d’un frottement du pied, une lourdeur d’une jambe, une faiblesse des releveurs du pied et un trébuchage plus fréquent. De même, à l’effort, un trouble de l’équilibre peut s’accentuer et la marche devenir plus déséquilibrée et instable. La coordination d’une jambe peut aussi être diminuée à l’effort et le patient doit garder un contrôle visuel sur ses pieds pour les placer au bon endroit. Toujours à l’effort, même réduit, peuvent apparaître des fourmillements dans les pieds remontant dans les jambes. Ces fourmillements parfois n’apparaissent qu’à l’arrêt de l’effort. Dans tous les cas ces symptômes moteurs ou sensitifs disparaissent après une période de repos relativement courte, le plus souvent en position assise. Les mécanismes de ces phénomènes relèvent de ce que l’on a appelé une « claudication médullaire », c’est-à-dire d’un ralentissement et d’un blocage progressif des impulsions nerveuses au niveau de la moelle épinière en fonction de la demande énergétique.
Les troubles sphinctériens sont aussi peu remarqués par l’entourage et beaucoup mieux perçus par la personne elle-même. Il s’agit le plus souvent de besoins urinaires urgents nécessitant de se rendre aux toilettes très rapidement et souvent plus fréquemment. Ces mictions impérieuses peuvent être dès lors à l’origine d’incontinences d’urgence. Elles proviennent d’une hyper-réactivité du muscle de la vessie appelé détrusor. La vessie peut aussi ne pas se vider complètement au moment de la miction et en cas de résidus importants, des infections urinaires surviennent régulièrement. Le volume maximal toléré d’un résidu urinaire après miction est de 100 ml. Un autre phénomène peut apparaître, c’est le manque de synergie entre la contraction du détrusor et le relâchement des sphincters de la vessie. Il en résulte un paradoxe, à savoir un besoin urinaire urgent mais une difficulté d’initier la miction lorsque l’on se présente aux toilettes. Les conséquences des troubles de la vessie peuvent être importantes avec infections remontant jusqu’aux reins et septicémie. La personne doit vivre avec une vessie qui ne se remplit pas complètement et qui ne se vide pas complètement. L’avis d’un urologue est souvent déterminant. À noter que les mêmes symptômes d’urgences et éventuellement d’incontinences peuvent être présents au niveau du sphincter anal.
Un autre symptôme caché est un trouble de l’érection chez le patient masculin atteint de SEP suite à la présence de lésions médullaires. Ces troubles de l’érection sont souvent associés aux troubles vésicaux. Chez la femme, une diminution de la sensibilité du périnée et une diminution des sécrétions vaginales peuvent rendre l’acte sexuel douloureux et empêcher l’orgasme. La crainte de problèmes urinaires concomitants à l’acte sexuel peut aggraver l’inhibition de celui-ci.
Près de la moitié des patients SEP se plaignent de douleurs. Il faut distinguer deux types de douleur, la douleur inflammatoire et la douleur neuropathique. La douleur inflammatoire représente la réponse normale d’un système de perception de la douleur intact lorsqu’il est soumis à un stimulus douloureux. On y retrouve les douleurs ostéo-articulaires, souvent localisées et augmentées de manière mécanique par un mouvement ou une position, viscérales, musculaires ou les douleurs cutanées occasionnées par un traumatisme ou par une brûlure. À l’opposé, la douleur neuropathique est la conséquence d’un dysfonctionnement ou d’une lésion structurale du système nerveux lui-même, que ce soit dans sa partie périphérique (douleurs post-zona par exemple) ou dans sa partie centrale (douleurs post-thrombose cérébrale par exemple ou sur plaques de SEP). Elle est présente chez 50 % des patients SEP environ et peut être spontanée en dehors de toute stimulation. C’est par exemple le cas de la névralgie du trijumeau provoquée par la présence d’une plaque dans les faisceaux nerveux connectés au noyau sensitif de ce nerf. Elle peut être aussi provoquée par une stimulation qui ne devrait produire qu’une sensation douloureuse minime (il s’agit alors d’une hyperalgésie) ou par une stimulation normalement non douloureuse, comme un effleurement (on parle alors d’allodynie). Les caractéristiques d’une douleur neuropathique sont souvent décrites comme une brûlure, sensation de froid douloureux, striction ou garrot, décharges électriques possibles, fourmillements, piqûres d’ortie, diminution de la sensibilité à la piqûre ou au contraire hypersensibilité à la piqûre. L’extrême en est l’anesthésie douloureuse, c’est-à-dire une douleur ressentie dans une zone où la sensibilité a été perdue.
Les mécanismes qui sont à la base de douleurs chroniques consécutives à une lésion du SNC comme dans la SEP, sont encore mal connus. Il y a cependant toujours une atteinte des voies nerveuses avec déficit thermo – algique. Cette atteinte peut provoquer une hypersensibilité des récepteurs à la douleur ainsi qu’une désinhibition des fibres nerveuses qui déchargent spontanément. Les voies nerveuses thermo-algiques sont présentes tout au long de la moelle épinière, dans le thalamus, et les projections du thalamus vers le cortex cérébral.
Le traitement de ces douleurs neuropathiques est difficile. Les médicaments antalgiques habituels n’ont pas une grande efficacité. En pratique, on utilise essentiellement des médicaments de type anti-épileptique. Il s’agira de la carbamazépine (Tégrétol), Gabapentine (Neurontin), Prégabaline (Lyrica). Le clonazépam (Rivotril) est aussi utilisé mais induit une forte somnolence. D’anciens antidépresseurs tels que l’Amitryptiline (Tryptizol, Redomex) ou la Duloxetine (Cymbalta) ont aussi un rôle dans le traitement des douleurs neuropathiques. Le but est de les atténuer. Nos médications sont plus actives contre les décharges douloureuses que contre le fonds chronique de type brûlure. On a longtemps pensé que les opiacés étaient inefficaces dans le traitement des douleurs neuropathiques. Des études plus récentes ont montré que ces substances pouvaient avoir une action réellement bénéfique mais que la variabilité entre individus était considérable, certains patients étant soulagés et d’autres non. En général cependant, le traitement des douleurs neuropathiques par les opiacés nécessite une posologie nettement plus élevée que pour les douleurs inflammatoires.
Outre les douleurs inflammatoires et neuropathiques, on doit aussi considérer les douleurs secondaires à l’hypertonie musculaire appelée spasticité. Une atteinte de la voie motrice dite pyramidale située entre les neurones moteurs du cortex cérébral et le motoneurone de la moëlle épinière provoque non seulement une faiblesse des muscles impliqués mais aussi une raideur spastique qui peut être douloureuse. Il s’agit d’une sensation de crampe latente, de contracture, de garrot, qui peut se transformer en spasmes intermittents mais brefs. Ou l’impression persistante d’avoir couru sur une longue distance les jours précédents… Cette spasticité est parfois utile pour compenser la faiblesse musculaire et tenir debout. Mais elle s’aggrave sous l’effet du stress, du froid, de l’humidité… Quand elle est excessive et douloureuse, elle est traitée essentiellement par la prise orale de Baclofen. Dans les situations les plus graves, il est parfois nécessaire de placer une pompe intra-thécale (dont le cathéter est directement inséré dans le LCR autour de la moëlle épinière) pour y infuser le Baclofen localement en continu. Un tel traitement permet d’assouplir les membres inférieurs, de faciliter le nursing et d’éviter les escarres. Les muscles de la vessie (sphincters et detrusor) peuvent aussi présenter une spasticité semblable qui est traitable par des injections locales et itératives de Botox.
En cas de douleurs résistantes à tout traitement médicamenteux classique, il est nécessaire de s’adresser à un centre d’algologie spécialisé. On pourra y discuter de l’intérêt d’utiliser des dérivés cannabinoïdes (Sativex), de réaliser des stimulations percutanées ou intra-rachidiennes ou intra-cérébrales sur le cortex par des électrodes implantées localement.
Les troubles cognitifs perturbent la mémoire visuelle et la mémoire verbale (l’information apportée par le langage via les voies auditives) pour les faits récents, les troubles d’apprentissage, la flexibilité mentale qui permet le passage fluide d’une activité à une autre, et la rapidité d’exécution des tâches cognitives. Ces troubles s’installent souvent insidieusement et la personne peut ne pas s’en rendre compte avant plusieurs années, quand elle sera mise en difficulté dans son activité professionnelle ou simplement dans la gestion de son ménage. Ils sont relativement corrélés au nombre de lésions de la substance blanche cérébrale et en particulier des lésions frontales. Ils sont encore mieux corrélés avec l’atrophie du thalamus qui est un centre de relais important et qui est impliqué dans l’activation générale du cerveau. De même, l’atrophie du corps calleux joue un rôle important dans ces troubles cognitifs, car il contient toutes les fibres nerveuses connectant l’hémisphère droit à l’hémisphère gauche et inversement. Les plaques de démyélinisation provoquent donc des déconnexions et des dysconnexions entre les différentes zones du cerveau puisqu’au niveau de ces plaques, la vitesse de l’influx nerveux est fortement réduite et le nombre de fibres nerveuses peut être diminué par transsection et dégénérescence secondaire. Plus que le nombre total de plaques, il semble que la localisation de certaines d’entre elles joue un rôle important dans ce que l’on appelle la connectivité cérébrale. On peut comparer tous les faisceaux nerveux des hémisphères cérébraux à des voies aériennes avec leur « hubs » et leurs dispersions secondaires. Les plaques localisées dans des zones hautement connectées auront des conséquences néfastes plus marquées sur les capacités de fonctionnement du cerveau. Il s’agit d’un champ de recherche important qui va au-delà de la SEP et qui s’intéresse au « connectome », c’est-à-dire l’étude des connexions entre les différentes régions cérébrales.
La fatigue est un symptôme fréquent dans la SEP. Il faut ici distinguer entre fatigue primaire due directement à la maladie, et fatigue secondaire consécutive à des troubles du sommeil, à la prise de médicaments antalgiques, à une démusculation ou à une inactivité prolongée. La fatigue primaire due directement à la maladie survient souvent par à-coups, et est comparée à une lassitude extrême. Elle consiste en une perte de l’énergie physique et/ou mentale nécessaire pour réaliser les activités habituelles souhaitées. Dans cette fatigue primaire, là aussi, l’atrophie du corps calleux pourrait jouer un rôle important.
Les changements de caractère sont aussi fréquents même s’ils peuvent passer inaperçus initialement. Il s’agira surtout d’une impulsivité excessive et d’un manque de contrôle de ses émotions. Ces troubles proviennent de lésions situées dans le lobe frontal et d’une perturbation des mécanismes auto-inhibiteurs de l’émotivité. Il en résulte souvent des comportements de type « soupe au lait » que le patient se reproche ensuite, et qui peuvent altérer une relation familiale, amicale ou professionnelle. Ces fluctuations brutales de l’humeur sont lourdes à supporter par l’entourage le plus proche qui en est la première victime. Encore une fois, expliquer ces réactions extrêmes par la présence de plaques frontales, introduire un peu d’autodérision, cultiver l’humour, déculpabiliser…sont les meilleurs moyens de supporter ces réactions inconfortables. La souffrance du (de la) partenaire et de l’aidant proche doit être aussi pris en considération.
A l’inverse, et plus rarement, une autre facette du syndrome frontal est caractérisée par une apathie, une euphorie relative et un détachement émotionnel incompréhensible pour l’entourage.
A côté des antidépresseurs, des régulateurs de l’humeur, du soutien psychologique et des techniques de relaxation et de « mindfulness », le meilleur traitement est préventif et consiste à freiner au maximum l’accumulation de lésions cérébrales avant qu’un seuil critique ne soit atteint et que ces symptômes deviennent évidents. Les troubles spécifiquement psychiatriques sont discutés dans le chapitre des co-morbidités.
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