Bulletins scientifiques

Charcot : un nom, trois réalités… et 200 ans d’héritage

On confond souvent la « maladie de Charcot » (la sclérose latérale amyotrophique), la Fondation Charcot (qui soutient la recherche sur la sclérose en plaques), et l’homme derrière ce nom : Jean-Martin Charcot. En novembre 2025, on célébrera les 200 ans de sa naissance. L’occasion de redonner un visage à ce génial et célèbre neurologue, pourtant problématique à certains égards.

Né à Paris en 1825, Jean-Martin Charcot est l’un des fondateurs de la neurologie moderne. Il est surtout le premier à avoir reconnu la sclérose en plaques comme une maladie à part entière, à une époque où ses symptômes, très variables, étaient souvent attribués à d’autres troubles. C’est à la Salpêtrière, en 1868, qu’il établit pour la première fois un diagnostic de sclérose en plaques chez une patiente encore vivante, grâce à une observation clinique fine, confirmée après son décès par l’autopsie. Il décrit avec rigueur les caractéristiques histologiques de la maladie, qui se traduisent par les fameuses plaques démyélinisantes dans le cerveau et la moelle épinière, et réalise lui-même des dessins d’une grande précision de ces lésions, encore utilisés dans certains ouvrages médicaux. Cette approche, mêlant médecine vivante et exploration post-mortem, marque un tournant dans l’histoire des maladies neurologiques.

Le contexte même de la Salpêtrière éclaire cette évolution. Bien plus qu’un hôpital, c’est alors une ville dans la ville : un lieu où l’on soigne, mais aussi où l’on enferme. Des milliers de femmes y sont internées pour des raisons médicales, sociales ou morales. Jean-Martin Charcot y développe une approche clinique basée sur l’observation minutieuse, dans un contexte où la psychiatrie est encore balbutiante et souvent mêlée à des jugements de valeur. Il dessine, photographie, et classe les symptômes comme on classe des spécimens. Une révolution scientifique naît dans ce lieu ambigu, à mi-chemin entre progrès médical et oppression institutionnelle.

Mais l’avancée scientifique ne peut être racontée sans ses zones d’ombre. À la Salpêtrière, les patientes, souvent des femmes pauvres, sont internées sans réel consentement pour des troubles qualifiés à l’époque d’« hystérie ». Elles sont régulièrement mises en scène lors de des célèbres « leçons du mardi » du neurologue. Hypnose, convulsions, postures « théâtrales » : ces démonstrations fascinent les étudiants et les intellectuels venus de toute l’Europe. Parmi eux, Freud, Babinski ou encore Gilles de la Tourette.

Ces séances publiques, longtemps présentées comme de la pédagogie, relèvent aujourd’hui clairement de l’instrumentalisation. Elles reflètent la manière dont la société de l’époque traitait les femmes vulnérables : comme des objets de curiosité, des corps à étudier, à contrôler, à exhiber. 

L’ampleur de son influence scientifique s’accompagne d’un devoir de mémoire sur les patientes instrumentalisées dans ce processus. Il a ouvert la voie à une neurologie fondée sur l’observation, la classification et l’anatomopathologie. Il a décrit la sclérose latérale amyotrophique (SLA), connue dans les pays francophones sous le nom de « maladie de Charcot », un terme qui prête parfois à confusion avec la SEP, et formé des générations de médecins. Il a aussi contribué à rapprocher médecine et science fondamentale, à une époque où les maladies mentales relevaient encore souvent du religieux ou du judiciaire.

Parmi ses nombreuses contributions, Charcot a aussi décrit la sclérose latérale primitive, l’ataxie locomotrice (liée à la syphilis tertiaire), et a contribué à mieux comprendre l’épilepsie, la chorée de Huntington, ou encore les troubles du langage. Il a été l’un des premiers à considérer que certaines maladies neurologiques avaient une origine organique et non spirituelle ou morale, jetant les bases d’une médecine rationnelle du système nerveux.

Deux siècles plus tard, son héritage appelle à être considéré dans toute sa complexité : des avancées majeures pour la médecine, mais aussi des pratiques qui suscitent malaise et réflexion. C’est en embrassant cette histoire dans sa totalité que l’on peut continuer à faire progresser l’éthique et la science.

Depuis près de 40 ans, ce nom vit autrement grâce à la Fondation Charcot, qui soutient en Belgique les chercheuses et chercheurs qui nous aident à mieux comprendre la sclérose en plaques.

Une recherche rigoureuse et engagée avec un seul objectif : vaincre la maladie et améliorer la vie des personnes concernées.

Ce chemin, nous ne le faisons pas seuls. Votre soutien, votre confiance et votre engagement sont essentiels. Merci d’en faire partie.

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